La Tour Eiffel, Georges Seurat

La Tour Eiffel, Georges Seurat

La Tour Eiffel, 1889, hsp, 24,1 x 15,2 cm, Georges Seurat, Legion of Honor, Fine Arts Museums of San Francisco (CA)

Ainsi commence La vie errante, le récit de voyage de Guy de Maupassant qui fait suite à Sur l’eau.

« :J’ai quitté Paris et même la France, parce que la tour Eiffel finissait par m’ennuyer trop.

Non seulement on la voyait de partout, mais on la trouvait partout, faite de toutes les matières connues, exposée à toutes les vitres, cauchemar inévitable et torturant. Ce n’est pas elle uniquement d’ailleurs qui m’a donné une irrésistible envie de vivre seul pendant quelque temps, mais tout ce qu’on a fait autour d’elle, dedans, dessus, aux environs.

Comment tous les journaux vraiment ont-ils osé nous parler d’architecture nouvelle à propos de cette carcasse métallique, car l’architecture, le plus incompris et le plus oublié des arts aujourd’hui, en est peut-être aussi le plus esthétique, le plus mystérieux et le plus nourri d’idées ? Il a eu ce privilège à travers les siècles de symboliser pour ainsi dire chaque époque, de résumer, par un très petit nombre de monuments typiques, la manière de penser, de sentir et de rêver d’une race et d’une civilisation. Quelques temples et quelques églises, quelques palais et quelques châteaux contiennent à peu près toute l’histoire de l’art à travers le monde, expriment à nos yeux mieux que des livres, par l’harmonie des lignes et le charme de l’ornementation, toute la grâce et la grandeur d’une époque.

Mais je me demande ce qu’on conclura de notre génération si quelque prochaine émeute ne déboulonne pas cette haute et maigre pyramide d’échelles de fer, squelette disgracieux et géant, dont la base semble faite pour porter un formidable monument de Cyclopes et qui avorte en un ridicule et mince profil de cheminée d’usine.

C’est un problème résolu, dit-on. Soit – mais il ne servait à rien ! – et je préfère alors à cette conception démodée de recommencer la naïve tentative de la tour de Babel, celle qu’eurent, dès le XIIe siècle, les architectes du campanile de Pise.

L’idée de construire cette gentille tour à huit étages de colonnes de marbre, penchée comme si elle allait toujours tomber, de prouver à la postérité stupéfaite que le centre de gravité n’est qu’un préjugé inutile d’ingénieur et que les monuments peuvent s’en passer, être charmants tout de même, et faire venir après sept siècles plus de visiteurs surpris que la tour Eiffel n’en attirera dans sept mois, constitue, certes, un problème puisque problème il y a – plus original que celui de cette géante chaudronnerie, badigeonnée pour des yeux d’Indiens.

Je sais qu’une autre version veut que le campanile se soit penché tout seul. Qui le sait ? Le joli monument garde son secret toujours discuté et impénétrable…  »

Maupassant nous entraîne alors, avec le ton dont il a le secret, de Cannes à Florence, de Naples en Sicile, d’Alger à Tunis, de Kairouan à Sousse. Et VisiMuZ a retrouvé les tableaux, statues, etc. qui allient le plaisir de la contemplation à celui de la lecture. Retrouvez les 75 reproductions en lien avec le texte élégant, fluide, et plaisant de Guy de Maupassant.

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Photo 1 : Courtesy The Athenaeum, rocsdad
Photo 2 : VisiMuZ.

Les Poseuses, Georges Seurat

Les Poseuses, Georges Seurat

Les Poseuses, 1887-88, hst, 200 x 250 cm, Georges Seurat, The Barnes Foundation, Philadelphie.

Ce grand tableau (200 x 250 cm) est le troisième tableau de Georges Seurat qui a été présenté au public, après Baigneurs à Asnières (National Gallery, Londres) et Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande-Jatte (Art Institute Chicago). On sait que durant sa courte vie,(il est mort à 32 ans en 1891), Seurat n’exécuta que six grands tableaux. Cette toile est depuis devenue une référence dans l’histoire de l’art moderne. Le peintre s’était donné pour but de démontrer que sa théorie, basée sur le divisionnisme, était aussi adaptée à la figure humaine (et pas seulement à l’eau ou l’air), ainsi qu’à une peinture en atelier plus « officielle » alors exposée au Salon (d’où ce format monumental).

S’agit-il d’un seul modèle se déshabillant, posant, puis se rhabillant ou de trois modèles ? L’artiste s’est évidemment inspiré du motif classique des trois Grâces dans l’Antiquité, mais il a renversé le thème classique dont la figure centrale est de dos. On remarquera le tableau dans le tableau, ou la mise en abyme avec le mur de gauche sur lequel se trouve Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande-Jatte et au premier plan les accessoires (l’ombrelle, le chapeau à plume rouge…) servant aux modèles pour la réalisation de ce tableau. La technique utilisée par Seurat était très chronophage et il mit plus d’un an à peindre cette toile, qui devenait par-là impossible à vendre. L’artiste la possédait encore à sa mort. Après différentes vicissitudes (dont la perte du cadre originel peint par Seurat), elle fut acquise par le docteur Barnes en 1926 et se trouve donc maintenant à la nouvelle fondation Barnes sur le Parkway de Philadelphie.

15/02/2016

Photo wikimedia commons : File:Georges_Seurat_024.jpg Usr : Upload Bot (Eloquence)

Port-en-Bessin, Georges Seurat

Port-en-Bessin, Georges Seurat

Port–en-Bessin, le pont et les quais, 1888, Georges Seurat, Minneapolis Institute of Arts (MN)

Georges Seurat (1859-1891) a commencé à peindre des marines en 1885 à Grandcamp (Calvados). En 1886 il passe l’été à Honfleur. En 1887, il veut absolument finir son grand tableau de l’année (Les Poseuses, fondation Barnes, Philadelphie) et reste à Paris. L’année suivante il part pour Port-en-Bessin, après l’exposition d’Amsterdam, qui avait été organisée par Théo van Gogh. Paul Signac avait séjourné là en 1882 et lui avait recommandé le site, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Grandcamp.

Les marines constituent une partie importante de l’œuvre de Seurat. Comme il est mort à 31 ans, et que sa technique « de peinture au petit point » (comme disait Renoir) lui demandait beaucoup plus de temps, son catalogue raisonné comprend moins de 220 numéros. Ses recherches scientifiques, sa rigueur et son intransigeance en font un peintre difficile d’accès, auquel on reproche une trop grande froideur. Son caractère était très réservé, sa parole ne s’animait que pour défendre ses théories, et même son ami Signac évoquera plus tard un « aspect mécanique » dû à une couleur « trop divisée » et une « touche trop petite » (Journal, décembre 1897).

Mais que serait devenue sa peinture s’il avait pu éviter de mourir 3 ans plus tard ? Notre tableau du jour est particulièrement intéressant et montre une évolution puisqu’il s’agit du premier paysage maritime dans lequel l’artiste a introduit des personnages. Mais ils n’habitent pas le décor, ils sont là comme des fantômes. Beaucoup ont vu là les prémisses d’un Giorgio de Chirico avec ses places désertes ou d’un Paul Delvaux avec ses femmes désincarnées. Un paysage très construit, très architecturé, aux multiples points de vue, qui le rendent plein de poésie. Alors Seurat est-il un précurseur du surréalisme ? L’a-t-il vu venir ?

Seurat allait l’été au bord de la mer pour « se laver l’œil des jours d’atelier » selon ses confidences à son ami Émile Verhaeren.

22/10/2015

Dim 67 x 84,4 cm
Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad