Escapade à la National Gallery avec James

Les spectateurs de Sky Fall n’ont pas manqué de le remarquer. James rencontre Q (son nouveau Quartermaster) assis sur un banc dans la salle 34 devant deux des Turner les plus connus de la National Gallery.
En face d’eux se trouve le Dernier Voyage du Téméraire.

Turner_temeraire_wEst-ce un clin d’œil au scénario du film, à un James Bond vieillissant et affaibli ?

En 1839, le vétéran qu’est devenu aussi Joseph Turner (1775-1851) peint le voilier vétéran de Trafalgar, remorqué par un vapeur. Le monde change, le voilier est magnifié, et le remorqueur évoque la crasse et la suie. Turner traite de la couleur comme une « lumière obscurcie » selon la théorie des couleurs théorisée par Goethe (1810). Le bleu représente le côté obscur (et la mort du vieux voilier), les jaunes et rouges le côté pur. L’ère victorienne à laquelle appartient cette toile, de même que le poème de Tennyson, Ulysses, lu par M. dans le film, est le symbole absolu de la grandeur du Royaume-Uni.

À la droite de James sur le mur se trouve Ulysse raillant Polyphème, l’Odyssée d’Homère, autre tableau de Turner peint plusieurs années auparavant. Au total, ce ne sont pas moins de cinq tableaux de Turner qui se trouvent sur le mur de cette salle, dont le célébrissime Pluie, Vapeur, Vitesse.

Dans le dos des acteurs, on peut aussi entrevoir à droite, un tableau de Thomas Gainsborough (1727-1788), Mr et Mme William Hallett (La Promenade du matin), 1785, et à gauche un tableau au sujet très original de Joseph Wright of Derby, Une expérience sur un oiseau avec la pompe à air, élément d’une série de peintures des années 1760, éclairées par des bougies.

Vous pouvez faire une visite virtuelle 360° de cette salle sur le site web de la National Gallery (salle 34).
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Skyfall : la rencontre de James et Q.

L’entrée à la National Gallery est gratuite. Mais ses gestionnaires utilisent divers moyens pour équilibrer leur budget. Parmi ces moyens, le fait de louer les salles pour des évènement privés, comme ici pour le tournage d’un film.

Le site du musée fait la promotion de ses salles comme décors en citant le clip Wonderbra ou le film St Trivian.

2006

Par un froid matin de novembre, Wonderbra a utilisé l’escalier de l’aile Sainsbury pour une scène avec une centaine de mannequins en soutien-gorge. Les employés et les visiteurs se sont demandé un moment s’il s’agissait d’un nouvel outil de communication du musée, ou… un nouvel uniforme pour les employées.

2007

Le film St. Trinian, pensionnat pour jeunes filles rebelles avec Ruppert Everett, prend la National Gallery comme décor. Le pitch est le suivant. St. Trinian’s est une école pour jeunes filles de l’aristocratie qui se trouve au bord de la faillite. Les pensionnaires, qui n’acceptent pas que leur école soit fermée, décident de voler la Jeune fille à la perle de Vermeer à la National Gallery.

Ne vous précipitez pas à Londres pour voir La Jeune fille à la perle. Si deux Vermeer se trouvent bien à la National Gallery, La Jeune Fille est à la Haye au Mauristhuis.

Si vous êtes intéressé pour tourner un film dans le musée, rien de plus simple. Voir sur le site du musée.

Le formulaire de devis est sur l’onglet Book now : « Please complete the form below to enquire about using The National Gallery as a filming location ». La National Gallery n’est pas un exemple isolé. On se souvient d’Audrey Tautou au Louvre dans le Da Vinci Code en 2006.

Le quizz du jour ? Trouver dans quels films apparaissent vos musées favoris.

Crédit photos
Turner : User : MGA73bot2
Lien https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Turner_temeraire_w.jpg (PD-Art)
Sky Fall : Image Credit: MGM/Danjaq, LLC

Léonard de Vinci et ses deux Madones à l’Ermitage

Le musée de l’Ermitage de Saint Pétersbourg vient de faire sur sa page Facebook un focus sur la Madone Benois et la Madone Litta, deux tableaux vedettes du musée, devant lesquels les groupes de croisiéristes s’agglutinent, ce qui oblige à aller les voir tôt le matin ou en fin d’après-midi.

Je vous joins le lien sur ces articles (voir en date du 18 janvier). Les russophones pourront voir que tout n’est pas dit par le musée…par rapport aux commentaires VisiMuZ.

http://www.facebook.com/state.hermitage

La Madone Benois
Salle 214. La Madone Benois a été acquise en 1914 auprès de la famille Benois. Cette oeuvre de Léonard de Vinci est entrée en possession de Léon Benois par son mariage.

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Ce petit tableau (49,5 x 33 cm) est certainement une des toutes premières œuvres (avec la Madone à l’œillet de Munich) peintes par Léonard de Vinci en tant que maître, après qu’il ait quitté son maître Andrea del Verrochio. Il a été peint probablement en octobre 1478. Deux études préparatoires se trouvent au Bristish Museum à Londres. Raphaël s’est inspiré de cette composition pour sa célèbre Madone aux œillets, depuis 2004 à la National Gallery de Londres. En 1790, la Madone quitte l’Italie pour la collection du général Korsakov. A la mort de celui-ci, son fils le vend pour la somme de 1400 roubles à un marchand du nom de Sapozhnikov. La petite-fille de celui-ci épouse Léon Benois et lui apporte le tableau. Dans les archives de Sapoznikov, on retrouvera beaucoup plus tard un document de 1827, sur lequel il était écrit : « Mère de Dieu, tenant l’Enfant sur la main gauche… Maitre Leonardo da Vinci.. collection du général Korsakov ».
Léon Benois dévoile sa collection en 1908 lors d’une exposition. Le tableau est alors inconnu et E.Lipgartu, conservateur en chef de l’Ermitage impérial, reconnaît alors dans la Madone une œuvre de Léonard de Vinci. Les discussions durent quatre ans. Joseph Duveen, toujours à l’affût des œuvres importantes, en propose 500 000 francs or. Mais l’opinion publique russe se mobilise et fait campagne pour que le tableau reste en Russie. Léon Benois le vend alors au musée pour la somme beaucoup plus modeste de 150.000 roubles.
Les Benois sont depuis plus de deux siècles des notables importants à Saint-Pétersbourg. Un musée leur est d’ailleurs consacré depuis 1988. Louis-César Benois, confiseur de son état, avait quitté la France en 1794, à cause de la Révolution, pour s’installer en Russie. Le passeport russe était déjà très prisé ! Son fils Nicolas devint l’architecte du tsar au palais de Peterhof, métier repris à son tour par son fils Léon. De nombreux autres membres de la famille sont célèbres, comme peintres, musiciens, décorateurs, ou… acteurs. La Scala de Milan a été décorée puis dirigée par Nikolaï Benois (1901-1988) et Sir Peter Ustinov est le petit-fils de Léon Benois.

La Madone Litta
Salle 214. La Madone Litta tire elle-aussi son nom de son ancien propriétaire, le duc Litta. Il a été acheté à Milan suite à une offre internationale de vente, le 12 janvier 1865, par le tsar Alexandre II via le directeur du musée impérial, S.A. Gedeonov.

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L’œuvre est beaucoup plus plaisante que la précédente, et on retrouve en plus précis le sfumato caractéristique dans le paysage. Cette Vierge allaitante est toujours présentée lors des visites guidées à l’Ermitage comme une œuvre majeure de Léonard de Vinci, mais les historiens de l’art (comme Martin Kemp [1981]) tendent maintenant vers une attribution à un élève du maître, comme Giovanni Boltraffio (1467-1516), dont le style plus sec et la recherche du fini, différaient de la manière de Léonard. David Alan Brown (cf. Madonna Litta, XXIX Lettura Vinciana, Florence [1990], cité par Wikipedia) l’attribue pour sa part à Marco d’Oggiono (ca 1470-1530 ou 49 ?) dont il reste très peu de tableaux.
La plupart des experts s’accorde toutefois à reconnaître dans la Madone Litta un dessin préparatoire de la main de Léonard (voir aussi le Codex Vallardi au Louvre). Quand l’Ermitage prêtera-t-il l’oreille à ces débats ? Noter qu’à l’Ermitage, au dos du chevalet de la Madone Litta se trouve une Madeleine repentante par Gianpetrino (actif entre 1508 et 1549), un autre des disciples préférés de Léonard.

 

Crédits Photos :in
Madone Benois
User : Eloquence Lien : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Leonardo_da_Vinci_026.jpg
Madone Litta
User : Olpl Lien http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Madonna_Litta.jpg</i>

Retour sur les tableaux volés, tableaux retrouvés en 2012

Petit retour sur les vols et tableaux retrouvés en 2012. Pour chacun, le lien vous permettra de connaître les détails, souvent croustillants, de l’aventure. La vraie vie est plus déroutante encore que les romans, des berges d’une rivière à l’aéroport international de Miami, des sacs poubelle corses au siège d’Interpol, de la manifestation des sud-américaines topless devant leur musée aux mafias des Balkans.

Commençons par les tableaux retrouvés. On a appris il y a quelques jours qu’un tableau de Matisse de 1920, volé le 11 mai 1987 à Stockholm a été retrouvé en Angleterre le 7 janvier grâce à la base de données des tableaux volés.

http://www.leparisien.fr/faits-divers/londres-un-tableau-vole-de-matisse-retrouve-25-ans-apres-07-01-2013-2461083.php

Mais c’est la suite d’une année 2012 riche en trésors retrouvés. « L’Olympe » de René Magritte a été rendu par les voleurs en janvier 2012, car invendable. Il avait été volé à Bruxelles deux ans auparavant.

http://www.rtbf.be/info/societe/detail_un-tableau-de-magritte-vole-rendu-par-les-voleurs-car-invendable?id=7340813

Quatre tableaux volés en 1988 à New York, « Effigie » de Jean Dubuffet, « La Bouteille bleue » de Fernand Léger, « Figuration » de Robert Motherwell, « Untitled » de Franz Kline ont été retrouvés à Cologne en 2012.

http://blogs.artinfo.com/berlinartbrief/tag/jean-dubuffet/

En mars, c’est « Le Marché aux Poissons », de Camille Pissarro, volé au mois de novembre 1981 qui a rejoint le musée Faure d’Aix-les-Bains.

article : le musée Faure d’Aix-les-Bains retrouve son Pissarro: (lien désactivé en 2016) http://www.la-vie-nouvelle.fr/actualite/Le-musee-Faure-d-Aix-les-Bains-retrouve-son-Pissarro-4120.html

«Jeune garçon au gilet rouge», de Cézanne, volé en 2008  à Zürich, a été retrouvé à Belgrade en avril 2012.

http://www.tdg.ch/culture/Un-tableau-de-Cezanne-vole-a-Zurich-retrouve-en-Serbie/story/31469881

« Ludovic Lepic et ses filles »  d’Edgar Degas, volé aussi à Zürich en 2008, a été retrouvé le même mois en Serbie.

http://www.rts.ch/info/suisse/3953340-le-quatrieme-tableau-vole-a-zurich-en-2008-a-ete-retrouve.html

« Midas à la source du fleuve Pactole » de Nicolas Poussin  et une « Vierge à l’Enfant » de Giovanni Bellini du palais Fesch à Ajaccio ont été retrouvés en mai 2012, abandonnés dans un sac poubelle sur un parking à Ajaccio.

http://www.francesoir.fr/actualite/faits-divers/ajaccio-quatre-grands-tableaux-voles-retrouves-intacts-220565.html

« La jeune fille au foulard rouge », de Charles Camoin, vendu par Sotheby’s en 2007 et volé pendant son acheminement chez le transporteur Fedex a été retrouvé par un pêcheur dans un fourré sur des berges en Isère en juin 2012.

http://www.lessentiel.lu/fr/news/insolites/story/1891377

Une aquarelle de Dali a été volée dans une galerie à New York et rendue une semaine plus tard.

http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/northamerica/usa/9366612/Stolen-Dali-painting-posted-back-to-gallery-from-Greece.html

« L’Odalisque au Pantalon rouge » de Henri Matisse, avait été volé en 2000 au musée de Caracas, et remplacé par une copie. La supercherie n’a été découverte qu’en 2002 et le tableau a finalement été retrouvé par le FBI à Miami en juillet 2012.

http://www.exponaute.com/magazine/2012/07/24/le-fbi-retrouve-un-matisse-vole/
http://french.ruvr.ru/2012_07_27/Matisse-Odalisque-au-pantalon-rouge/

Dans un contexte politique tendu entre les États-Unis et le Vénézuela, une quinzaine de vénézuéliennes, a manifesté en août 2012, en pantalon rouge et topless devant le musée, pour que le tableau revienne vite au Vénézuela.

http://www.guardian.co.uk/world/2012/aug/17/lost-matisse-topless-protest-caracas

« La Rivière » de Francis Picabia, volé en 1974 au musée de la faïence de Nevers a été retrouvé en septembre 2012.

http://www.republicain-lorrain.fr/france-monde/2012/09/06/tableau-vole-et-vendu-trois-fois-au-grand-jour

En octobre, la veuve du grand marchand Léo Castelli a récupéré un tableau de 1962 de Roy Lichtenstein, volé en 1971, et estimé plus de 4 millions de dollars.
http://www.reuters.com/article/2012/10/16/us-crime-newyork-arttheft-idUSBRE89F1RJ20121016

Le Renoir  «Paysages Bords de Seine»  trouvé par hasard dans un marché aux puces pourrait en fait provenir du musée de Baltimore où il aurait été volé en 1951.

http://usnews.nbcnews.com/_news/2012/09/28/14133957-renoir-bought-for-7-at-flea-market-may-have-been-stolen-from-museum-in-1951?lite
Mais la compétition entre gendarmes et voleurs n’est pas prête de s’arrêter. En 2012 toujours, « Tête de femme »  de Pablo Picasso, une œuvre donnée à la Grèce en 1949,  et  le « Moulin » de Piet Mondrian ont été volés à Athènes.
http://www.artline.ro/Paintings_stolen_from_Greece_s_National_Gallery-26800-2-n.html

http://sysiphus-angrynewsfromaroundtheworld.blogspot.fr/2012/01/athens-greece-picasso-and-mondrian.html

A Rotterdam, en octobre,  ce sont «Tête d’Arlequin» de Pablo Picasso,  «La Liseuse en Blanc et Jaune» de Matisse, « Waterloo Bridge, London» et «Charing Cross Bridge, London» de Claude Monet, « Femme devant une fenêtre ouverte, dite la Fiancée» de Paul Gauguin, « Woman with Eyes Closed» (2002) de Lucian Freud, qui ont disparu des cimaises du musée Kunsthal à Rotterdam.

http://www.parool.nl/parool/nl/224/BINNENLAND/article/detail/3332410/2012/10/16/Zeven-topschilderijen-gestolen-uit-Kunsthal.dhtml?utm_source=scherm1&utm_medium=button&utm_campaign=Cookiecheck

Enfin toujours en octobre, c’est une aquarelle de Delacroix qui a été dérobée à la galerie Schmit à Paris. VisiMuZ en avait parlé.

http://rt.com/art-and-culture/news/delacroix-painting-stolen-paris-027/

Mais c’est toujours le Vermeer volé en 1990 au musée Isabella Stewart Gardner de Boston, qui reste la vedette des tableaux volés et pas encore retrouvés. Picasso est  l’artiste dont les tableaux sont le plus souvent volés. Pas moins de 1147 œuvres de l’artiste sont dans la nature après des vols,

lien désactivé en 2016 : http://rivlib.info/anza-library/content/picasso-1147-works-registered-stolen-thief

dont le fameux « Pigeon aux petits pois » volé au musée d’art moderne de la ville de Paris en 2010.

Bonne lecture !