Coup de vent devant Frascati, Eugène Boudin

Coup de vent devant Frascati, 1896, Eugène Boudin

Coup de vent devant Frascati, 1896, huile sur toile, 55,5 x 91 cm, Eugène Boudin, Petit Palais, musée des Beaux-arts, Paris.

Encore un tableau énigmatique quand seul le titre vous en est donné. On aperçoit au fond l’entrée du port (feu rouge de babord) du Havre. Frascati était un établissement de bains havrais, fondé en 1827, puis fermé en 1831 et réouvert avec des aménagements plus conséquents sur la plage en 1838. La station balnéaire du Havre est alors lancée et l’arrivée du chemin de fer en 1847 amène en masse des Parisiens sur la côte normande. En 1896, date de notre tableau, Frascati est donc une institution où il est important d’aller, où l’on vient aussi pour voir et être vu. Boudin, le roi des ciels, selon le mot de Corot, est aussi ici le roi de la mer. La mer est presque blanche d’écume, ce qui correspond effectivement à un coup de vent.

Les cabines de plage vont certainement souffrir de ce coup de vent, de même que l’épi de bois au premier plan. Une autre toile du même sujet et de la même année existe (collection particulière). La seule différence est la présence supplémentaire d’un cargo sur la mer. En 1896, Boudin à 72 ans, Il possède pleinement son art, peint souvent une toile en une seule journée, mais malheureusement va s’éteindre 2 ans plus tard.

18/07/2016

Photo Courtesy The Athenaeum Usr rocsdad

Venise, Santa Maria della Salute vue de San Giorgio, Eugène Boudin

Notre thème du jour, est la suite de celui d’avant-hier.
Après Venise par Manet, regardons Venise par Boudin.

Venise, Santa Maria della Salute vue de San Giorgio, Eugène Boudin

Venise, Santa Maria della Salute vue de San Giorgio, 1895, hst, 46 x 65 cm, Eugène Boudin, Museum of Fine Arts, Boston

Nous sommes en 1895. Boudin a 71 ans. Malade, profondément marqué par la mort de sa femme, il passe maintenant tous les hivers sous le soleil de la Côte d’Azur. Cet hiver-là, il pousse jusqu’à Venise qu’il découvre. Ziem est à la mode alors, et les touristes voient Venise avec le regard de Ziem, celui d’une Venise archaïque aux bateaux à voiles qui ont en réalité disparu. Mais Boudin a plus de personnalité et voit la ville avec ses yeux à lui. Bien sûr il regrette de ne pas y être allé plus jeune mais il trouve des points de vue très personnels. Il déclarera l’année suivante à Gustave Cahen : « Il y a une autre Venise, celle que j’ai vue, non moins belle et d’une beauté éternelle. Les misérables efforts des hommes, voyez-vous, n’empêcheront jamais le ciel d’être bleu, les nuages de courir en troupeaux rapides ou en flocons légers sur son immense tapis de velours, et la mer de refléter les mirages du ciel… Ah ! Ce fut pour moi une inoubliable volupté de l’œil que ce voyage ».

Et il est vrai que Boudin nous régale par son approche si personnelle, par son métier qu’il possédait de façon si intense qu’il pouvait peindre un tableau (fini, non une pochade) en une journée « sur le motif ».

Mais quand on compare notre tableau du jour, peint en 1895, avec le précédent, peint 20 ans plus tôt en 1875, on aime Boudin pour toutes ses qualités techniques, pour sa « joliesse », mais… on comprend bien pourquoi et comment Manet a changé la scène artistique de l’époque. Et vous, qu’en pensez-vous ?

31/01/2016

Photo wikimedia commons Eugène_Louis_Boudin_-_Venice,_Santa_Maria_della_Salute_from_San_Giorgio_-_Google_Art_Project Usr DcoetzeeBot

Scène de plage à Trouville, Eugène Boudin

Scène de plage à Trouville – Eugène Boudin

Scène de plage à Trouville, 1863, Eugène Boudin, National Gallery of Art, Washington (DC)

En 1862, Eugène Boudin avait 38 ans. Il ne vendait rien, désespérait. Il eut même la tentation de se jeter dans les eaux de l’Orne. En février 1863, Boudin se marie et repart bravement à Paris. Mais il est las de réaliser des œuvres sur commande. Deauville vient d’être créée au terminus de la ligne de chemin de fer et le peintre imagine de nouveaux débouchés pour sa peinture en regardant les élégantes qui viennent se montrer sur le front de mer. En avril, il a envoyé des tableaux de marines au Salon. En septembre, il revient à Trouville pendant que Courbet est à Deauville, et que Monet et Jongkind sont à Honfleur.

Si Boudin, le « roi des ciels » (dixit Corot au peintre), est plus, vis-à-vis de la mer, le peintre des ports, des bateaux de pêche et de commerce, il ne peut empêcher quelques yachts de se glisser en arrière-plan de ses scènes de plage, comme dans celle-ci, où les bourgeois et aristocrates parisiens sont spectateurs de ce qui semble bien être le déroulement d’une régate.

La Société des Régates du Havre avait été créée en 1838. Elle a été le tout premier club nautique en France. La première régate en 1839 a vu s’affronter des embarcations à rame. Dès l’année suivante, les régates sont organisées pour les voiliers. À Trouville il faudra attendre 1878 pour voir la création d’un club de voile, les voiliers de l’arrière-plan viennent donc sûrement du Havre. Les gréements sont équipés de voiles auriques, le flèche (voile de tête de mât) n’a pas été établi sur celui le plus proche de la plage.

Demain au Havre, c’est le départ de la « Transat Jacques Vabre » vers le Brésil. Les voiliers ont changé, l’esprit est resté. Quels sont les peintres (et aussi maintenant photographes) qui, comme l’ont fait dans le passé Paul Signac, Maxime Maufra, Mathurin Méheut, Marin Marie, Albert Brenet, Albert Marquet, vont demain immortaliser le départ en tant que P.O.M. (peintres officiels de la marine) ?

Dim : 34,8 x 57,5 cm
Photo Courtesy The National Gallery of Art, Washington (DC)

Marée basse à Scheveningen, Eugène Boudin

Marée basse à Scheveningen, Eugène Boudin

Marée basse à Scheveningen, 1878, Eugène Boudin, collection particulière

Boudin n’a pas peint que des plages avec des femmes du monde avec leurs crinolines. Alors qu’à Deauville ou Trouville ses sujets étaient le plus souvent mondains, Il a cherché la lumière sur les plages du Nord comme ici à Scheveningen (Pays-Bas), en longeant la Manche et la mer du Nord, s’arrêtant à Saint Valéry, Cayeux, Étaples ou Berck. Dans l’autre direction, il va jusqu’en Bretagne (Portrieux, Kerhor). Souvent il agrémente alors ses plages de la présence des pêcheurs.
Il se force à ne pas rejoindre Honfleur et Trouville dès le début de l’été afin de varier ses sujets. C’est ainsi qu’il voyage plusieurs fois en suivant la côte jusqu’à Scheveningen (1875, 1876, 1878, 1883 , 1884, 1890 au moins).

On voit que les théories de Chevreul sur les contrastes simultanés (« les complémentaires s’éclairent mutuellement ») étaient bien connues de Boudin qui oppose ici le jaune-orangé de la plage et de la voile, au vert de la mer, et au bleu du ciel, pour donner plus de lumière à la scène.

20/07/2015

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad