Nocturne : bleu et argent – Chelsea, James A. M. Whistler

Nocturne, bleu et argent, Chelsea, James Abbot McNeil Whistler

Nocturne : bleu et argent – Chelsea, 1871, huile sur panneau, 50,2 x 60,8 cm, James Abbott McNeil Whistler, Tate Britain, Londres

Nous vous avions présenté en novembre la Symphonie en blanc, N° 1, du même artiste, avec quelques éléments de biographie [ici].

Bien qu’américain, Whistler vécut à Londres presque toute sa vie et il y suscita la polémique. Le métier impliquait pour les bourgeois de l’époque victorienne qu’on passe de nombreuses heures à fignoler le tableau (ainsi que nous le verrons bientôt avec les préraphaélites) et ce monsieur qui se prétendait artiste ignorait ce principe pour ne se préoccuper que des effets liés à la couleur.

Le célèbre écrivain et critique John Ruskin écrira un peu plus tard (en 1877) que Whistler jetait « un pot de peinture à la face du public », un billet qui sera à l’origine d’un procès intenté par le peintre.

Whistler baptisa ses toiles « Nocturne » par référence à la forme musicale correspondante (célébrée entre autres par Frédéric Chopin), expression du romantisme qui incite à la rêverie et la mélancolie. Notre tableau du jour a été peint en 1871, c’est à dire très peu après le séjour de Pissarro et Monet à Londres. Le peintre montre ici son talent dans l’expression de l’évocation d’une figure, au moyen de quelques traits, et un penchant évident pour l’abstraction. Londres au loin est évoqué avec un effet de miroir appuyé. L’eau est l’élément central, qui occupe les trois-quarts de l’œuvre. Les tons froids utilisés ici font que nos sentiments inclinent dans le sens désiré par le peintre. Ces bleus sont aussi ceux des porcelaines chinoises que Whistler collectionnait avec passion.

En bas au centre, se trouve la signature que l’artiste a adopté à partir de 1869 : un cartouche avec un dessin de papillon. Une autre Nocturne en bleu et argent, également très belle, se trouve dans la collection Winthrop, au Fogg Art Museum de Harvard.

27/05/2016

Photo wikimedia commons James_Abbott_McNeill_Whistler_-_Nocturne-_Blue_and_Silver_-_Chelsea_-_Google_Art_Project Licence CC-PD-Mark Usr DcoetzeeBot

Le Bord de mer à Palavas, Gustave Courbet

Le Bord de mer à Palavas, Gustave Courbet

Le Bord de la mer à Palavas, 1854, hst, 37 x 46 cm, Gustave Courbet, Musée Fabre, Montpellier.

Cette année-là, l’artiste franc-comtois fait connaissance avec la Méditerranée. Il a été invité par l’un de ses collectionneurs principaux, Alfred Bruyas. Il écrit : « La découverte du littoral près de Palavas m’émerveille. Il faut que j’arrive à traduire l’immensité de ce paysage infini. Je suis si loin des sombres forêts de mon enfance… ».

La mer n’est pas encore un des éléments de prédilection de Courbet, même s’il est déjà allé au bord de la Manche. L’artiste, dont la modestie n’a jamais été la principale qualité, veut glorifier sa rencontre avec les éléments marins. On associe très souvent à cette peinture la phrase que le peintre a aussi écrite à cette époque à l’écrivain Jules Vallès : « Ô mer, ta voix est formidable, mais elle ne parviendra pas à couvrir celle de la Renommée criant mon nom au monde entier ! ». Ce n’est pas le spectacle de la mer qui intéresse Courbet, mais le face à face avec l’immensité et la puissance de la mer, qu’il estime moins fortes que sa puissance à lui, Courbet. Il ne représente aucun élément pouvant faire dériver le regard (voiliers, promeneurs).

Ce tableau a été repris et pastiché quelques années plus tard, en 1865, par James Abbott McNeil Whistler sous le titre Harmonie d’Azur et d’Argent (Isabella Stewart Gardner Museum, Boston), mais son titre premier était Courbet – au bord de la mer. Whistler venait de passer quelques jours avec Courbet à Trouville. Il avait aussi présenté à ce moment Joanna Hiffernan à Courbet, mais ceci est une autre histoire.

Harmonie en bleu et argent: Trouville, James Abbott McNeil Whistler

Harmony in blue and silver: Trouville, 1865, 50 × 76 cm, James Abbott McNeil Whistler, Isabella Stewart Gardner Museum, Boston (MA)

16/12/2015

Photo 1 wikimedia commons Courbet-Mer-à-Palavas-Fabre Usr: Tancrède
Photo 2 wikimedia commons James_Abbot_McNeill_Whistler_007.jpg Usr: Eloquence

Symphonie en blanc, N° 1, James Abbott Mc Neil Whistler

Symphonie en blanc, N° 1, Whistler

Symphonie en blanc, N° 1 : la fille en blanc,1862, James Abbott McNeill Whistler, National Gallery of Art, Washington (DC)

Les titres des tableaux de James Abbot McNeill Whistler (1834-1903) font le plus souvent référence à une forme musicale (Symphonie, Nocturne, Variations, etc.) et à une ou plus souvent deux couleurs. Le chemin vers l’abstraction était en route.

Né américain, ayant grandi à Saint-Pétersbourg, vivant à Londres et souvent à Paris, Whistler est le prototype du dandy argenté, qui n’a pas besoin de vivre de sa peinture. Il a servi de modèle à Marcel Proust pour le peintre Elstir dans À la recherche du temps perdu. Pour Whistler, l’art était d’abord harmonie de couleurs et non représentation du monde réel. Ses titres font référence aux accords musicaux, il refusait tout dessein moral dans ses tableaux. Pourtant, parce qu’il était un excellent dessinateur, il n’a pas su se libérer complètement de l’emprise du dessin pour laisser le pouvoir à la couleur. Whistler a réalisé trois « Symphonie en blanc » avec son modèle préféré, qui était aussi sa compagne, Joanna Hiffernan.

Nous sommes au cours de l’hiver 1861-1862. Une palette aussi claire n’existait pas encore. Les critiques ont commenté ce tableau comme une allégorie de l’innocence et la perte de celle-ci (la fleur de lys tombante, tenue par Joanna dans sa main gauche, et les autres fleurs en désordre sur la peau d’ours et le tapis). Le tableau, présenté à Paris en 1863, a été refusé au Salon officiel, mais exposé au Salon des Refusés, celui-là même où Manet a créé le scandale avec son Déjeuner sur l’herbe. Le titre initial était La Fille en blanc, présentée par l’artiste comme « une fille en blanc devant un rideau blanc » puis Whistler a intellectualisé sa peinture et inventé le titre définitif, qui sera suivi de deux autres « Symphonie en blanc ». Ce titre doit certainement aussi à l’influence d’un poème de Théophile Gautier de 1852  Symphonie en blanc majeur, que vous pouvez retrouver ICI.

Jo posera aussi l’année suivante pour Courbet lors de leur séjour à Trouville. Alors que Whistler est parti au Chili en 1866, Jo, à court d’argent a posé ensuite à Paris pour Courbet entre-autres pour Le Sommeil, les quatre versions de Jo, la belle irlandaise et vraisemblablement aussi pour L’Origine du monde.

Averti des rumeurs de scandale, Whistler à son retour va rompre avec elle.

23/11/2015

Dim 215 x 108 cm
Photo Courtesy National Gallery of Art, Washington (DC)