Scène de rue, Ernst Ludwig Kirchner

Scène de rue, Kirchner

• Scène de rue, 1913, Ernst Ludwig Kirchner, Museum of Modern Art, New York.

Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938) fonda le mouvement expressionniste Die Brücke en 1905. Le groupe s’installa à Berlin en 1911 mais fut dissous dès 1913. Entre-temps Kirchner avait rencontré Erna Schilling, une danseuse de cabaret qui sera sa compagne jusqu’à sa mort. À Berlin, entre 1913 et 1915, il peignit la série des Scènes de rue, qui comprend 11 toiles, et illustre à la fois la fascination et la peur de Kirchner devant la vie nocturne berlinoise. Ici, deux prostituées élégantes sont entourées par des hommes qui les regardent furtivement. Les prostituées sont un symbole de beauté, mais aussi de la négation de la liberté humaine, de la vénalité et du danger associé à leur fréquentation. La présence de l’argent est omniprésente dans cette scène entre vêtements chics et automobile de luxe. Mais avez-vous remarqué la forme de cœur des zones éclairées en rose ? Les angles aigus, les couleurs puissantes, tout concourt à insuffler à ce tableau une énergie qui déséquilibre le spectateur.
En 1917, Kirchner s’installe à Davos en Suisse. Il se suicide en 1938. Les nazis avaient déclaré son art « dégénéré » en 1937 et détruit de très nombreuses toiles.
En 2006, le Brücke Museum à Berlin a restitué à des héritiers d’un collectionneur juif une des Scènes de rues, qui ensuite a été acquise aux enchères par la Neue Galerie à New York pour 38 millions de dollars. Une autre scène de rue plus simple a été acquise ensuite en 2009 par un collectionneur pour près de 10 millions de dollars. Seules deux des peintures de la série sont ainsi encore en mains privées, les autres sont toutes dans des musées.

07/09/2015

Dim : 120,6 x 91,1 cm
Photo wikimedia commons Kirchner_-_Die_Straße_001 Usr : Mefusbren69

Soleil levant (Marine), Claude Monet

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Saga hebdo 2/2

Soleil levant (marine), 1873, hst, 48,9 x 60 cm, Claude Monet, Getty Museum, Los Angeles , W262.

Connaissez-vous ce tableau ? Autant celui d’hier est célèbre, autant celui-ci est plus discret. Dans le catalogue raisonné de Georges Wildenstein, il porte le numéro 262 et précède donc immédiatement l’icônique « Impression, soleil levant » du musée Marmottan, que nous avons rencontré hier.
Ils ont été tous deux peints au Havre à la toute fin 1873 (ou aux premiers jours de janvier 1874). On retrouve le même fond dilué des mâts et vergues des bateaux de commerce. Le soleil est un peu plus haut et à demi-caché derrière les nuages. Au premier plan, la silhouette blanche du yacht se déhale doucement dans un vent évanescent. Grand-voile haute, yankee (foc sur le bout-dehors) et trinquette (foc entre le yankee et le mât) établis. Les teintes rosées qui éclairent la mer derrière le voilier participent à cette atmosphère poétique qui déconcerta tant les critiques de la première exposition de de la Société anonyme des peintres, sculpteurs et graveurs, en 1874. Ce tableau n’a pas été exposé lors de cette première exposition.

Mais celui-ci ne démérite pas par rapport à celui de Paris. Et ces deux tableaux pourraient, selon certains commentateurs, signifier aussi métaphoriquement, l’aube d’une ère nouvelle pour la France après la défaite de 1870 et la Commune.

Bon week-end à tous et à lundi !

05/09/2015

Photo Wikimedia commons Claude_Monet_(French_-_Sunrise_(Marine)_-_Google_Art_Project.jpg Usr DcoetzeeBot

Impression, soleil levant, Claude Monet

Impression, Soleil levant, Monet
Saga hebdo 1/2

Impression, Soleil Levant, 1873, hst, 48 x 63 cm, Claude Monet, musée Marmottan-Monet, Paris, W263.

Le tableau a été peint au Havre fin 1873 (et daté 72 postérieurement). W263 signifie le n° 263 dans le catalogue raisonné de Wildenstein. Nous en reparlerons demain.
Rappelons ce qu’a écrit Théodore Duret, l’historien des Impressionnistes (dont 2 ouvrages ont déjà été publiés chez VisiMuZ), lorsqu’il relata dès 1906 (seulement 32 ans après) la première exposition historique d’avril 1874, chez Nadar…

« …/… Jusqu’en 1874, ceux qui pouvaient s’occuper d’eux, à un titre quelconque, ne savaient comment les désigner. Un nom leur manquait. Les uns disaient les peintres de la nouvelle peinture. C’est ce titre de la « Nouvelle peinture », que Duranty, dans une brochure qui leur était consacrée, prenait personnellement ; d’autres les appelaient les Indépendants ou encore les Intransigeants. Cependant quand une chose existe, une appellation survient sûrement pour la désigner.
Au milieu des trente peintres qui se produisaient sur le boulevard des Capucines, les amis de Manet, ayant hardiment adopté la pratique des tons clairs et du plein air, attiraient surtout les regards. Claude Monet avait envoyé des toiles particulièrement caractéristiques et c’est l’une d’elles, qui allait faire surgir le nom. Il en exposait cinq, dont l’une avait pour titre : Impression, soleil levant, une vue prise dans un port. Des bateaux sur l’eau, légèrement indiqués, apparaissaient au travers d’une buée transparente, qu’éclairait le soleil rouge. Au titre Impression correspondait une touche rapide et légère et des contours fondus, dans une enveloppe générale. Cette œuvre donnait bien la formule de l’art nouveau, aussi par son titre et sa facture fit-elle naître l’expression qui paraissait le mieux caractériser les artistes, qui le représentaient, celle d’Impressionnistes.
Le mot, venu en quelque sorte spontanément sur les lèvres des visiteurs, fut pris et appliqué par Le Charivari. Le 25 avril, un de ses rédacteurs, Louis Leroy, mettait « Exposition des Impressionnistes », en tête d’un article consacré aux exposants du boulevard des Capucines. Le nom nouveau n’était du reste employé que dans le sens le plus défavorable, approprié à des hommes considérés comme ignorants et présomptueux. L’article n’était qu’une suite de railleries et de sarcasmes. Le Charivari était alors dirigé par Pierre Véron, un homme sans jugement artistique. Il faisait systématiquement bafouer Manet. Il devait repousser Forain comme dessinateur, incapable de découvrir la moindre apparence de talent dans ce qu’on lui montrait de lui. Et maintenant que les Impressionnistes survenaient, il ne laissait apparaître leur nom dans son journal qu’à titre de dénigrement…./… »

La suite de notre histoire demain…

04/09/2015

Photo wikimedia commons Claude_Monet,_Impression,_soleil_levant.jpg Usr Quibik

03/09/2015 La Sultane ou Jeune femme en costume oriental, Édouard Manet

Édouard Manet - Sultane

• La Sultane ou Jeune femme en costume oriental, ca 1871 et 1876, Édouard Manet, fondation Bührle, Zürich.
Cette « Jeune femme en costume oriental » est tout à fait particulière dans l’œuvre de Manet. Les influences du peintre étaient plus souvent espagnoles, hollandaises et enfin japonaises. À l’époque où le Tout-Paris bruissait des charmes de l’Orient, de Gérôme à Renoir, à la suite de Delacroix, Manet s’est tenu à l’écart de cette mode liée à l’Algérie (déclarée territoire français depuis 1848) et aux harems ottomans fantasmés. À l’écart… sauf dans le cas de notre tableau du jour qui reste mystérieux. Le modèle est resté inconnu. S’agissait-il d’une de ces conquêtes que Manet faisait sur les Boulevards, ou d’une bourgeoise délurée lui ayant demandé son portrait ? Cette dernière hypothèse est peu crédible, car Manet a mis en vente le tableau (500 francs) puis l’a donné au critique Adrien Marx.
Un tableau à retrouver avec d’autres tableaux de charme du peintre dans sa biographie par Théodore Duret, chez VisiMuZ bien sûr.
Retrouvez ici l’Histoire d’Édouard Manet et de son œuvre !

Dim : 96 x 74,5 cm Photo commons Edouard_Manet_035.jpg Usr Eloquence

Note en passant : vu il y a quelques semaines à Orsay le beau et triste Angelina du même Manet, arrivé au musée du Luxembourg dès 1894 avec la donation Caillebotte. Mais aucun cartel n’indiquait le titre, le peintre, l’année. Cet oubli a eu au moins un avantage. Personne devant le tableau, dans une salle pourtant surpeuplée. L’art n’est-il parfois qu’une question de noms ?

02/09/2015 Forêt tropicale avec singes, Douanier Rousseau

Forêt tropicale avec singes, Douanier Rousseau

• Forêt tropicale avec singes, 1910, Henri Rousseau dit le Douanier Rousseau, National Gallery of Art, Washington (DC)

Ce tableau a été peint dans les derniers mois de la vie de l’artiste. Rousseau avait l’habitude d’inventer ses paysages luxuriants et de copier les animaux sur un répertoire d’images (albums publicitaires des Galeries Lafayette, du chocolat Menier…) ce qui leur donnait une grande précision.. sauf les singes. Les lignes de leur corps, cachées par les poils, lui semblaient plus faciles à reproduire, et il les créait sans modèle. Le résultat en ressort d’autant plus personnel, maladroit d’un point de vue naturaliste, avec des faces presque humaines. Les 2 singes du bas semblent se servir des deux cannes vertes comme des humains se servent de cannes à pêche amplifiant l’anthropomorphisme des animaux et une vision occidentale de la jungle telle qu’Hergé nous la présentera 21 ans plus tard (seulement) dans « Tintin au Congo ».

Dim : 129,5 x 162,5 cm
Photo Courtesy The National Gallery of Art, Washington (DC)

01/09/2015 Portrait de Frédéric II Gonzague, Titien

Portrait de Frédéric II Gonzague

• Portrait de Frédéric II Gonzague, duc de Mantoue, ca 1529, Titien, musée du Prado, Madrid
Petit retour sous la Renaissance, pour un portrait aussi fascinant par son auteur que par son modèle.
Comme dans le cas du portrait d’hier, on est en présence ici d’un grand mécène avec un grand peintre.
Frédéric (1500-1540), élevé en partie à la cour du pape Jules II (1510-1513) et à celle de François Ier (1515-1517), en tant qu’otage politique, était le fils d’une autre très grande mécène, Isabelle d’Este, la patronne de Mantegna et Lorenzo Costa. Il fut représenté enfant par Raphaël dans la fresque de l’école d’Athènes (musées du Vatican). Devenu marquis de Mantoue à 19 ans, il fut élevé au titre de duc par l’empereur Charles Quint en 1530. Homme d’une très grande culture, Frédéric sera le mécène du parmesan Corrège, de Jules Romain, ou encore du Titien.
Ce portrait a été commandé dans le cadre d’une stratégie nuptiale. Il devait permettre de donner de sa personne un aspect favorable afin de contracter la meilleure union possible. Cet homme très élégant est représenté avec les attributs de sa puissance (l’épée) mais le chapelet autour du cou vient témoigner de sa foi. Enfin le bichon maltais qui l’accompagne ajoute une part de féminité propre à émouvoir les demoiselles concernées. La stratégie de Frédéric a fonctionné et il épousera en 1530 Marguerite de Montserrat. Le couple donnera naissance à 7 enfants entre 1533 et 1540.
À partir de 1523, Titien (1488-1576) va travailler dans l’entourage de Frédéric II pendant plus de 10 ans. Ce portrait célèbre, maintes fois copié, entrera ensuite dans la collection de Charles 1er d’Angleterre puis rejoindra définitivement l’Espagne après la décapitation du monarque en 1649.

Dim 125 x 99 cm
Photo wikimedia commons Tizian_063.jpg Usr : Crisco 1492