Dans le hamac, Anders Zorn

Dans le hamac, Anders Zorn

Dans le hamac, 1882, aquarelle, 56 x 38 cm, Anders Zorn, collection particulière

En 1880-85, il y a les peintres honnis, c’est-à-dire les impressionnistes. Il y a aussi les portraitistes à la mode comme Anders Zorn, James Tissot, ou encore John Singer Sargent, Alfred Stevens, Giovanni Boldini ou Carolus-Duran. Mais certains d’entre eux ont eu une double vie. Zorn, Tissot, Sargent réalisaient d’une part des portraits de commande, opulents, presque académiques, et d’autre part des peintures beaucoup plus libres, peintes seulement pour eux, dans leur vie privée.

Notre aquarelle du jour a été peinte par Anders Zorn (1860-1920) en Angleterre. Il a alors 22 ans, et revient de quatre mois passés en Espagne. Il va alors rencontrer Mary Smith, et la jeune femme va devenir un des modèles favoris, quand Zorn était à Londres, du Suédois cosmopolite qu’il était. Elle a aussi posée, habillée à l’identique, sur le tableau Sur la Tamise, devenu très vite célèbre (une gravure en a été dérivée). Notre aquarelle a été découverte en 2006 dans l’ouest des États-Unis. Elle était inconnue des historiens de l’art. Elle a alors été vendue 250 000 dollars.

Dans le même esprit, peint deux ans plus tôt, citons aussi le hamac de James Tissot.

Le Hamac, James Tissot

Le Hamac, 1880, hst, 127 x 76,2 cm, James Joseph Tissot, collection particulière

Jacques-Joseph Tissot était parti vivre en Angleterre en 1871 après deux premiers séjours à Londres en 1862 et 1864. Il avait été impliqué dans La Commune de Paris (de mars à mai 1871), et devait s’éloigner pour ne pas subir de représailles. Il rencontra bientôt Kathleen Newton, une irlandaise ayant grandi en Inde, qui devint sa maîtresse et sa muse. La belle Kathleen donna naissance à leur fils en 1876. À Londres, Tissot avait pour clientèle la « upper class society » victorienne qui ne jurait que par ses portraits flatteurs et méticuleux. Il était au centre de la vie mondaine.

Mais à partir de 1876, il privilégiera des scènes de la vie domestique, heureux dans sa vie familiale avec sa « ravissante irlandaise » qui devint aussi son modèle. Mais si le visage de Kathleen fut très vite familier aux amateurs de peinture, son nom ne fut révélé qu’en 1946. Tissot garda secrète leur relation au-delà de leur cercle d’amis immédiat.

Kathleen est évidemment le modèle de cette toile très intime, peinte dans le jardin du couple. Le parasol montre l’intérêt du peintre pour l’art japonais, à la mode à cette époque. Quand l’artiste exposa la toile à la Grosvenor Gallery, elle reçut un accueil très froid car les anglais trouvaient la pose trop alanguie, trop annonciatrice de plaisir, bref à la fois vulgaire et trop française. Non exposée pendant 120 ans, la toile fut redécouverte en 1999, puis vendue aux enchères le 16 novembre 2001 par Christie’s pour 1,324 million de livres sterling.

Le hamac deviendra un symbole de la vie pendant l’ère victorienne, mais l’honneur de représenter ces jolies jeunes femmes dans des poses alanguies revient vraisemblablement à Gustave Courbet, près de 40 ans avant.

Le Hamac, Gustave Courbet

Le Hamac (Le Rêve), 1844, hst, 70,5 x 97 cm, collection Oskar Reinhart, Winterthour

27/01/2016

Photos
1-2 Courtesy The Athenaeum, Irene, rocsdad.
3 wikimedia commons File::Gustave_Courbet_020.jpg Usr Aavindraa

Le Bord de mer à Palavas, Gustave Courbet

Le Bord de mer à Palavas, Gustave Courbet

Le Bord de la mer à Palavas, 1854, hst, 37 x 46 cm, Gustave Courbet, Musée Fabre, Montpellier.

Cette année-là, l’artiste franc-comtois fait connaissance avec la Méditerranée. Il a été invité par l’un de ses collectionneurs principaux, Alfred Bruyas. Il écrit : « La découverte du littoral près de Palavas m’émerveille. Il faut que j’arrive à traduire l’immensité de ce paysage infini. Je suis si loin des sombres forêts de mon enfance… ».

La mer n’est pas encore un des éléments de prédilection de Courbet, même s’il est déjà allé au bord de la Manche. L’artiste, dont la modestie n’a jamais été la principale qualité, veut glorifier sa rencontre avec les éléments marins. On associe très souvent à cette peinture la phrase que le peintre a aussi écrite à cette époque à l’écrivain Jules Vallès : « Ô mer, ta voix est formidable, mais elle ne parviendra pas à couvrir celle de la Renommée criant mon nom au monde entier ! ». Ce n’est pas le spectacle de la mer qui intéresse Courbet, mais le face à face avec l’immensité et la puissance de la mer, qu’il estime moins fortes que sa puissance à lui, Courbet. Il ne représente aucun élément pouvant faire dériver le regard (voiliers, promeneurs).

Ce tableau a été repris et pastiché quelques années plus tard, en 1865, par James Abbott McNeil Whistler sous le titre Harmonie d’Azur et d’Argent (Isabella Stewart Gardner Museum, Boston), mais son titre premier était Courbet – au bord de la mer. Whistler venait de passer quelques jours avec Courbet à Trouville. Il avait aussi présenté à ce moment Joanna Hiffernan à Courbet, mais ceci est une autre histoire.

Harmonie en bleu et argent: Trouville, James Abbott McNeil Whistler

Harmony in blue and silver: Trouville, 1865, 50 × 76 cm, James Abbott McNeil Whistler, Isabella Stewart Gardner Museum, Boston (MA)

16/12/2015

Photo 1 wikimedia commons Courbet-Mer-à-Palavas-Fabre Usr: Tancrède
Photo 2 wikimedia commons James_Abbot_McNeill_Whistler_007.jpg Usr: Eloquence

La Vendange à Ornans, Gustave Courbet

La Vendange à Ornans, Gustave Courbet

La Vendange à Ornans, sous la Roche-du-Mont, 1849, Gustave Courbet, collection Oscar Reinhart, Winterthour.

Courbet a 30 ans. C’est le début de la gloire… Georges Riat[*], qui a laissé une biographie critique importante de Courbet, écrit, pour l’année 1849 : « Au Salon, il a présenté sept toiles, qui furent toutes admises. Il y avait des paysages, des portraits, et une scène de genre. La Vendange à Ornans représentait les vignerons affairés à leur travail, sur les pentes rapides qui dévalent sous la Roche-du-Mont; …/… Champfleury [**], emboucha la trompette épique : “Courbet force les portes du Salon… Personne, hier, ne savait son nom : aujourd’hui il est dans toutes les bouches. Depuis longtemps on n’a vu succès si brusque. Seul, l’an passé, j’avais dit son nom et ses qualités; seul j’ai parlé avec enthousiasme de quelques tableaux enfouis au dernier salon, dans les galeries du Louvre. Je ne me suis pas trompé, j’avais raison. Aussi m’est-il permis de fouetter l’indolence des critiques qui s’inquiètent plus des hommes acceptés que de la jeunesse forte et courageuse, appelée à prendre leur place et à la mieux garder peut-être”… ».

Les environs d’Ornans, sa ville natale, ont toujours représenté un sujet de choix pour l’artiste. Deux tiers de son œuvre sont consacrées aux paysages, partagés entre ceux de Franche-Comté et de Suisse d’une part, et ceux de mer d’autre part. Ici, on retrouve un mélange de minéral et de végétal, de brun et de vert. Mais les vendanges ne sont pas le réel sujet du tableau au contraire de cet arbre majestueux qui trône au centre de la toile. Un genre que Courbet va développer largement à tel point que l’on évoque à son sujet les « portraits d’arbres ». Les vendangeurs sont indiqués de manière anecdotique alors que l’arbre s’étale dans toute sa splendeur.

On comprend facilement, en regardant ce tableau et quelques autres du même Courbet, pourquoi et comment il va devenir au début des années 1860, le grand modèle pour les jeunes Bazille, Renoir, Monet et Sisley lors de leurs virées en forêt de Fontainebleau.

[*] RIAT Georges, Gustave Courbet, peintre, H.Floury, Les Maîtres de l’Art moderne, Paris, 1906.
[**] Champfleury (1821-1889), écrivain, critique d’art, puis collectionneur de faïences et directeur-conservateur du musée de Sèvres, était un personnage hors du commun. Il deviendra aussi l’ami de Courbet (qui fera son portrait en 1855) et le défenseur du réalisme.

08/10/2015

Dim : 71 x 97 cm
Photo VisiMuZ