Femme agenouillée à la robe rouge orangé, Egon Schiele

Jeune fille agenouillée à la robe orange, Egon Schiele

Femme agenouillée à la robe rouge orangé, 1910, Craie noire, aquarelle et gouache sur papier, 44,6 x 31 cm, Egon Schiele, Leopold Museum, Vienne

Egon Schiele a vingt ans en 1910. Il est déjà délibérément provocateur et va réaliser cette année-là cinq nus émaciés et agressifs. Trois sont des autoportraits, deux des portraits de sa jeune sœur Gertrude (Gerti), qui a seize ans la même année.

L’érotisme omniprésent dans ses œuvres est curieusement absent de celle-ci. Pas de nu centré sur les parties génitales, pas de sous-entendu scabreux pour « choquer le bourgeois ».

On remarque plutôt le sens aigu de l’artiste pour la composition, avec ces deux pieds qui s’appuient sur deux bords du tableau. Gerti a posé pour cette œuvre comme pour bien d’autres. Elle est posée sur son genou gauche, et cette posture ancre son corps dans un losange, amplifié par le trait de crayon qui va de sa robe à ses mains.

Elle regarde fermement son frère de son œil unique (l’autre est caché par ses mains), ébauche un sourire — est-il ironique ? méprisant ? — et noue ainsi aussi une relation avec le spectateur.

La dramaturgie mise en exergue par ces mains qui semblent exprimer toute la douleur du monde est balancée par une harmonie subtile de couleurs sur un fond neutre. Les couleurs plus foncées du visage et de la chevelure font comme une cible dans la composition et dirigent le regard du spectateur vers l’œil de la jeune fille.

Cette aquarelle a été exposée à Paris, au Grand Palais en 2006. Elle fait partie de la collection de 41 toiles et 186 dessins d’Egon Schiele au Leopold Museum à Vienne.

15/04/2016

Photo wikimedia commons File : Egon_Schiele_-_Kneeling_Female_in_Orange-Red_Dress_-_Google_Art_Project.jpg Usr DcoetzeeBot

La Seine à Saint-Cloud, Edvard Munch

La Seine à Saint-Cloud,  Edvard Munch

La Seine à Saint-Cloud, 1890, hst, 47 x 61 cm, Edward Munch, collection particulière.

Né en Norvège en 1863, Edward Munch a eu une enfance marquée par la mort. Il perd la plupart de ses proches (dont sa mère à l’âge de cinq ans) avant l’âge adulte. Il aura naturellement envie de peindre non ce qu’il voit mais ce qu’il ressent (tristesse, mélancolie, angoisse, etc.) et devient à ce titre un pionnier de l’expressionnisme. Il fait un premier séjour à Paris en 1885 puis revenu en Norvège, obtient à la suite d’une exposition, une bourse d’études de 3 ans à Paris en 1889.

Il est sensible aux grands mouvements théoriques qui agitent Paris à cette époque. Le divisionnisme, mais surtout les symbolistes et les Nabis. Il en déduit que « L’appareil photo ne peut pas concurrencer le pinceau et la palette tant que l’on ne peut pas l’utiliser au Paradis ou en Enfer. »

À l’époque de notre tableau, il est encore assez proche techniquement du divisionnisme cher à Seurat et Signac, et pour la lumière, de l’impressionnisme des séries de Claude Monet. Il reprend la Seine à différentes heures du jour comme s’il s’agissait de Meules, de la façade de la cathédrale de Rouen (Monet), ou du canal du Loing (Sisley). Il y exprime ses états d’âme au moins autant qu’il cherche à capter la lumière.. On connaît au moins 9 versions de notre tableau du jour, dont l’étude ci-dessous.

La Seine à Saint-Cloud Edvard Munch

La Seine à Saint-Cloud, 1890, huile sur carton, 17 x 33 cm, Edward Munch,collection particulière.

08/04/2016

Photos 1 et 2 : Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Champ de blé près de Carantec, Alexej von Jawlensky

Champ de blé près de Carantec, Alexej von Jawlensky

Champ de blé près de Carantec, 1905, hsc, 49 x 52,5 cm, Alexej von Jawlensky (1868-1941), musée de l’Albertina, Vienne

Durant deux ans (1905-1906), Alexej von Jawlensky a travaillé à Carantec, en Bretagne, où il vivait avec la mère de son fils, Hélène Neznakomova, et sa compagne officielle la peintre Marianne von Werefkin. Jawlensky avait quitté la Russie (et l’armée russe, dont il était capitaine) en 1896 pour l’Allemagne.

En 1905, grâce à l’intervention de Diaghilev, Jawlensky envoya six toiles au Salon d’automne (salle XV, accrochage en compagnie de Kandinsky). Il y fait alors la connaissance de Matisse et des Fauves qui exposent salle VII. Les Fauves et l’Expressionnisme se rencontrent et s’influencent.On se souvient que 1905 est l’année de l’apparition de la « cage aux fauves » dont nous avons parlé dans un précédent article – ICI.

En 1912, retourné en Allemagne, Jawlensky fondera avec Marianne von Werefkin, Vassily Kandinsky, Gabriele Münter, Franz Marc, le groupe Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu). Cette toile est exposée à Vienne, au musée de l’Albertina. Celui-ci était originellement un musée dédié aux dessins. Mais depuis la donation Batliner, on peut y voir une très belle collection d’art moderne

12/01/2016

Photo VisiMuZ

Neige tombant dans l’allée, Edvard Munch

Neige tombant dans l'allée, Edvard Munch

Neige tombant dans l’allée, 1906-08, hst, 80 x 100 cm, musée Munch, Oslo.

Notre tableau du jour correspond à une époque complexe dans la vie de Munch. Comme peintre, il est célèbre, il a été à la source de différents scandales dans la décennie précédente, comme à Berlin le 5 novembre 1892, puis a été célébré à l’aube du siècle un peu partout en Europe. Mais sa vie personnelle a été terrible. Nous en avions parlé ici. Ce tableau a-t-il été terminé avant ou après son séjour de huit mois en 1908 dans une clinique à Copenhague pour dépression et hallucinations ?

En tout cas, aucune faiblesse ne transparaît dans cette toile à la composition intemporelle. Les personnages (des enfants  ?) au premier plan sortent du cadre, une attitude qui renforce la dynamique de la scène et invite le spectateur à entrer dans le tableau.

Vous souvenez-vous du tableau de Ferdinand Hodler : La Route d’Évordes, que nous avons publié en novembre (ici) ? Entre 1890 (date du tableau de Hodler), et 1906-1908 (date de notre tableau du jour), les mouvements se sont succédés sans arrêt. Entre les Nabis, les symbolistes, l’expressionnisme, les Sécessions berlinoise, munichoise et viennoise, puis Die Brücke et Les Fauves français, l’approche du tableau a évolué dans de nombreuses directions. Mais il existe des invariants en peinture, et en particulier la composition reprenant une route qui disparaît au loin. Elle est un grand classique depuis le XVIIe siècle, comme nous l’avons vu avec le tableau de Hodler et la référence à Meindert Hobbema (ici).

04/01/2016

photo Courtesy The Athenaeum, Irene.

Portrait de femme, Ernst Ludwig Kirchner

Portrait de femme Ernst Ludwig Kirchner

Portrait de femme, 1911, hst, 80,6 x 70,5 cm, Ernst Ludwig Kirchner, Saint-Louis Art Museum, Saint Louis (MO)

En 1905, à Dresde, Ernst-Ludwig Kirchner (1880-1938) a fondé, avec Erich Heckel et Karl Schmidt-Rottluff, le mouvement « Die Brücke » (Le Pont), dans le but de rompre avec l’art académique et de créer un art plus en phase avec la société moderne. Leur manifeste indiquait : « Nous souhaitons établir notre liberté d’action et de vie contre les forces anciennes bien établies » .

Est-il besoin de préciser que c’est justement à cause de cette liberté que le parti nazi a classé Kirchner comme un artiste dégénéré ? En Allemagne nazie, ses toiles sont brûlées dans des autodafés. Kirchner en exil à Davos, mais profondément allemand, dépressif et affaibli, sera ainsi amené à se suicider le 15 juin 1938.

L’expressionnisme représente l’énergie, les pensées, les humeurs, les états d’âme, en particulier grâce à la couleur. Contrairement à l’impressionnisme, ce n’est plus le réel (le paysage, la lumière, etc.) que l’on représente mais l’expression, l’âme de l’artiste mise à nu.

Le mouvement « Die Brücke » a été dissous en 1913 mais en 1911 il était déjà sur la fin. Le tableau du jour a été réalisé alors que Kirchner avait déménagé à Berlin.

En octobre 1911, il rencontre les sœurs Schilling, toutes deux danseuses. Gerda a alors 19 ans, et Erna 28. D’abord attiré par Gerda, Kirchner va ensuite s’établir avec Erna, qui deviendra la compagne de sa vie. C’est Gerda qui pose ici. De nombreuses toiles montrent les deux sœurs qui seront souvent les modèles de l’artiste.

À cause du traitement du visage et de la coiffure, il peut être intéressant de rapprocher cette toile d’un tableau de Matisse, un portrait de Lydia Delectorskaya (1910-1998), sa secrétaire-assistante-muse-modèle-garde-malade entre 1932 et 1954. Ce portrait a été réalisé en 1947, soit 36 ans après celui de Kirchner.

Les œuvres de Matisse n’étant pas dans le domaine public, nous vous présentons ici ce portrait dans la salle du musée (« fair use ») mais vous pouvez le retrouver cadré de plus prêt sur le site du musée de l’Ermitage ICI.

Ermitage Matisse Lydia Delectorskaya

musée de l’Ermitage, une des salles Matisse, avec au premier plan le portrait de Lydia Delectorskaya, 1947, hst, 64,5 x 49,5 cm.

12/12/2015

photo 1 wikimedia commons File: Ernst_Ludwig_Kirchner_-_Portrait_of_a_Woman.jpg Usr Postdlf
photo 2 VisiMuZ – © Succession H. Matisse pour les œuvres de l’artiste.
Une exposition a été consacrée en 2010 à Lydia par le musée Matisse du Cateau-Cambrésis.

Chien couché dans la neige, Franz Marc

Chien couché dans la neige, Franz Marc

Chien couché dans la neige, ca 1910-11, hst, 62,5 x 105 cm, Franz Marc, Städel Kunstinstitut, Francfort

Nous sommes ici devant un double défi relevé par l’artiste. Le premier consiste en la représentation de la neige, qui a fasciné Brueghel dès le XVIe siècle ou Avercamp un peu plus tard, puis n’est réapparu qu’avec Monet, Pissarro et Sisley après 1850. Le second, dont Franz Marc parle dans une lettre à August Macke, est lié à la complexité des reflets colorés sur le corps de son chien Russi.

Franz Marc (1880-1916) a été un cofondateur du Blaue Reiter (ou Cavalier bleu en français) à Munich en 1911 (avec Kandinsky, Macke, Jawlensky). Il préférait pour exprimer les vibrations (qui permettent de relier les images, les couleurs, les sons et les mots, selon le manifeste publié en 1912), utiliser comme modèles des animaux, plutôt que des hommes. Et, selon un mot connu de Vassily Kandinsky, Franz Marc s’occupait du cheval et lui-même du cavalier. Marc va peu à peu évoluer vers l’abstraction, avant sa mort prématurée, conséquence d’un éclat d’obus, près de Verdun en 1916, à 36 ans.

05/12/2015

Photo wikimedia commons 1911_Marc_Liegender_Hund_im_Schnee_anagoria.JPG Usr : Anagoria

La Chapellerie, August Macke

August Macke, La Chapellerie

La Chapellerie, 1914, August Macke, Musée Folkwang, Essen

Nombre des toiles d’August Macke sont au Lenbachhaus à Munich, mais celle-ci est à Essen (Ruhr, au nord de Cologne).

L’amitié de Klee et Macke, qui s’est traduite par le fameux voyage en Tunisie d’avril 1914, allait bouleverser leur conception de la peinture et de la couleur. On a eu le temps de voir l’évolution de Klee. Malheureusement, Macke allait mourir le 26 septembre 1914. Comme disait Prévert en 1946 :

Rappelle-toi Barbara

Toi que je ne connaissais pas

Toi qui ne me connaissais pas

Rappelle-toi

Rappelle-toi quand même ce jour-là

N’oublie pas

…/…

Et ne m’en veux pas si je te tutoie

Je dis tu à tous ceux que j’aime

Même si je ne les ai vus qu’une seule fois

Je dis tu à tous ceux qui s’aiment

Même si je ne les connais pas

…/…

Oh Barbara

Quelle connerie la guerre[*]

Mais un peu de légèreté ne nuit pas aujourd’hui, à l’image de ce « fucking croqu’enbouche » qui a fait le buzz hier. Alors parlons chiffons.

En juillet 1914, August était parti comme chaque année avec sa famille au bord du lac de Thoune (Suisse) à Hilterfingen. Ses peintures de cette période sont inspirées par le paysage et surtout les boutiques de la vieille ville. Macke connaissait Robert Delaunay et sa série des Fenêtres simultanées de 1912-13, une des étapes importantes vers l’art abstrait. La fragmentation des plans s’apparente au cubisme mais avec un choix de lumières et de couleurs très différent qui explose et donne un rythme à la peinture. On les retrouve ici à l’arrière-plan, de la vitrine et dans les chapeaux exposés. Un aspect statique et géométrique se retrouve a contrario dans la posture de la jeune femme et la façade en pointes de diamant. Notons que les intérieurs et vitrines de chapeliers ou de modistes sont assez fréquemment utilisées par les peintres. On peut citer (liste non exhaustive) Degas, Renoir, Marquet, Bonnard, Picasso et bien sûr Jean Hélion (1904-1987) chez qui les « mannequineries » ont été le thème de nombreuses séries.

18/11/2015

[*] Barbara, poème de Jacques Prévert, chanté par Yves Montand ICI

Photo wikimedia commons August_Macke_Hutladen licence CC-PD-Mark usr Rlbberlin 60,5 × 50,5 cm

Le Bain du cheval rouge, Petrov-Vodkin

Le Bain du cheval rouge, Petrov-Vodkin

Le Bain du cheval rouge, 1912, Kuzma Petrov-Vodkin, Galerie Tretyakov, Moscou

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Au XXe siècle il y a eu deux sortes de peintres russes : ceux qui ont émigré avant ou en 1917 (Chagall, Sonia Delaunay, Gontcharova, Jawlensky, Kikoïne, Pougny, Soutine, etc.) ou qui ont continué à vivre ailleurs après 1917 (El Lissitsky, Malevitch) et les autres. Les seconds, restés à Moscou ou à Saint-Pétersbourg n’ont pas eu malgré tout leur talent la reconnaissance internationale des premiers. Parmi eux Kuzma Petrov-Vodkin (1878-1939).

Entre 1901 et 1910, on le trouve à Munich et Paris, à Rome et au Sahara. Symboliste à ses débuts, influencé par Puvis de Chavannes, il tente dans les années 10 une synthèse entre les mouvements expressionnistes (Blau Reiter, Brücke) et les icônes et l’âme russe. Après 1917, il se consacre de plus en plus à la nature morte, avant d’arrêter de peindre au début des années 30 à cause de problèmes de santé. Peintre peu en phase avec l’art soviétique stalinien, il est vite oublié après sa mort pour revenir sur le devant de la scène depuis une trentaine d’années. Ses œuvres ne sont que dans des musées russes ou des collections particulières.

Le tableau du jour a eu un immense succès lors de sa présentation au Salon de Moscou en 1912. Certains éléments empruntent aussi au futurisme italien. La palette du peintre ne comprenait à cette époque que les trois couleurs dites primaires. La toile du fait de sa dominante rouge devint en 1917 l’un des symboles de la révolution bolchévique. Le tableau était venu à Paris en 2005 pour une exposition à Orsay. À ne pas oublier si vous allez à Moscou, Petrov-Vodkin est un peintre rare, pour « happy few » !

10/11/2015

Photo wikimedia commons : Bathing of a Red Horse,Petrov-Vodkin Usr : Ivanaivanova

Hermine au chemisier rouge, Jules Pascin

Hermine au chemisier rouge, Jules Pascin

Hermine au chemisier rouge, 1909, Jules Pascin, collection particulière.

Julius Mordecai Pincas (1885-1930), qui utilisera un anagramme de son nom de naissance, a grandi en Bulgarie. Après avoir fréquenté un temps les expressionnistes allemands (dont l’influence est perceptible dans sa peinture avant 1914), il arrive en 1905 à Paris. Il rencontre Hermine David (1886-1970), femme-peintre comme lui, en 1907 et elle devient sa compagne… En 1914, comme il est natif de Bulgarie, nation alliée de l’Allemagne, il doit partir de France et il rejoint Brooklyn. Hermine le rejoint l’année suivante. Ils prendront la nationalité américaine et se marieront en 1918 avant de rentrer en France en 1920.

Jules Pascin était un « très bon peintre et il était ivre, constamment, délibérément ivre, et à bon escient. » nous dit Ernest Hemingway dans Paris est une fête. Son érotisme était débridé dans la vie comme dans sa peinture. Marié avec Hermine, il eut aussi avant la guerre une aventure avec Lucy Krohg. Elle aussi s’est mariée pendant la guerre mais les amants se retrouvent en 1920 et leur liaison durera cette fois jusqu’au suicide de Jules en 1930. Hermine et Lucy se connaissaient, posaient même parfois ensemble pour le peintre. Nous avons choisi ici un tableau très sage, l’œuvre de Pascin faisant la part belle au beau sexe qui l’obsédait. « Pourquoi, disait-il, une femme est-elle considérée comme moins obscène de dos que de face, pourquoi une paire de seins, un nombril, un pubis sont-ils de nos jours encore considérés comme impudiques, d’où vient cette censure, cette hypocrisie ? De la religion ? ». Certains parlent du peintre aux 365 modèles.

Dans ce tableau de 1909, on sent encore très nettement l’influence de l’expressionnisme allemand (Macke ou Kirchner par exemple).

Hermine ne s’est pas remariée après la mort de son mari. Elle lui a survécu jusqu’en 1970 et a continué à peindre et à illustrer des livres jusqu’à sa mort. Le fils de Lucy, Guy Krohg sera l’héritier d’Hermine.

03/11/2015

Dim : 154,9 x 115,6 cm Photo courtesy The Athenaeum, Usr rocsdad

Rue à Murnau, Vassily Kandinsky

Rue à Murnau, Vassily Kandinsky

Rue à Murnau (Maisons), 1908, Vassily Kandinsky, Städtische Galerie im Lenbachhaus, Munich

Vassily Kandinsky (1866-1944) eut une vie artistique importante dès avant « Le Cavalier bleu » (Der Blaue Reiter) de 1911 et l’abstraction un peu plus tard. En 1908, il a 42 ans. Il vit depuis 1896 en Allemagne, à Munich. Il donne des cours de peinture auxquels s’est inscrite en 1901 une jeune peintre, Gabriele Münter (1877-1962). Elle devient la compagne de Vassily à l’été 1902 lors de cours d’été que le peintre organise à Murnau, petit village de Bavière, à 25 km de Garmish-Partenkirchen et 70 km de Munich. Vassily et Gabriele vivront ensuite ensemble jusqu’en 1914. Entre deux voyages à travers le monde, ils viennent se reposer dans leur maison de Murnau. Les débats sur la peinture sont animés, d’autant que se sont joints à eux deux autres peintres russes, Alexej von Jawlensky et Marianne von Verefkin. Leur maison est tout naturellement devenue la « maison des Russes ».

Kandinsky était synesthète. La synesthésie est l’association de deux ou plusieurs sens. Pour Kandinsky cela signifiait qu’il associait dans son esprit systématiquement (ou plutôt qu’il voyait mentalement) une couleur pour chaque son, une particularité rare mais bien connue en neurologie. La sysnesthésie toucherait 4% de la population. Il est vraisemblable que cette particularité a joué un rôle important dans sa relation à la couleur, indépendante de l’objet, et débouchera sur l’abstraction.

Notre tableau du jour se situe à une période charnière, peu avant la formation en 1909 de la Nouvelle Association des Artistes Munichois (NKVM), avec Münter, Jawlensky et Werefkin, dans laquelle ils seront rejoints par August Macke et Franz Marc pour ce qui deviendra Der Blaue Reiter.

La rue ou la route qui disparaît est un grand classique de l’art depuis les hollandais au XVIIe, et les impressionnistes (en particulier Monet, Sisley, Guillaumin et surtout Cézanne à Auvers). Comme chez les impressionnistes, la rue est ici vide de toute activité humaine.

23/10/2015

Dim 32,8 x 40,7 cm
Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Les Filles sur le pont, Edvard Munch

Les Filles sur le pont, Edvard Munch

Les Filles sur le pont, 1902, Edvard Munch, musée Pouchkine, Moscou.

Edvard Munch (1863-1944) n’est pas que le peintre du Cri. Que ressentez-vous devant ce tableau ? Les résultats peuvent être très différents selon les personnes. La scène est peinte à Aasgaardstrand, une petite station de villégiature dans le fjord d’Oslo, au cœur de l’été, une saison très courte en Norvège.

Trois jeunes filles sont accoudées à la balustrade de la jetée du ferry. L’une d’entre elles porte un chapeau de paille. Les éléments sont réunis pour un tableau paisible.

Mais… la composition et la palette donnent d’autres interprétations. Les arbres sont très foncés, l’eau est sombre et le reflet de l’arbre, d’un noir violacé, évoque la nuit. La jetée est rose, la balustrade striée de rayures orange et bleues, la diagonale sort du cadre, le ciel est turquoise avec une lune très basse. Les jeunes filles qui pourraient danser sur le pont sont au contraire très rapprochées, comme si, apeurées, elles voulaient se protéger en se serrant les unes contre les autres. Munch est un des pionniers de l’expressionnisme, de la projection sur la toile de ses états d’âme. Il est ici dans sa résidence d’été et il traitera ce thème des filles sur le pont pas moins de 12 fois en presque 10 ans, avant de continuer en le déclinant sous forme d’estampes, de xylographies, de lithographies, de zincographies. Les jeunes filles sont tantôt trois, tantôt quatre, de dos ou de face.

Plusieurs grands collectionneurs du début du siècle ont voulu avoir leur version de cette composition propice à la méditation et l’artiste a réalisé par exemple des versions pour Max Linde à Lübeck, Ivan Morozov à Moscou (le tableau du jour), Rasmus Meyer à Bergen ou encore Eberhard Grisebach à Iena.

Lors de la décennie 1900-1910, Munch est un artiste à la fois célèbre et controversé. Il a participé à la Sécession de Berlin en 1902, après une première exposition à scandale en 1892. Mais sa vie personnelle est plus sombre. Il est blessé à la main d’un coup de revolver en 1902 et rompt avec sa compagne Tulla Larsen, il est soigné pour alcoolisme en 1905 puis passe huit mois en clinique pour dépression en 1908.

L’eau dans laquelle se reflète le grand arbre est-elle un miroir de son âme ? On remarquera sur les deux versions qui suivent les différences de couleurs liées à l’humeur de l’artiste.

Jeunes filles sur le pont, 1901, Edvard Munch


Jeunes filles sur le pont, 1901, Edvard Munch, Kunsthalle, Hamburg

Quatre filles sur le pont, Edvard Munch, Cologne


Quatre filles sur le pont, 1905, Edvard Munch, Wallraf-Richartz Museum, Cologne

20/10/2015

Crédits et dimensions.
photo Moscou Courtesy The Athenaeum, rocsdad, dim 83 x 73 cm
photo Hambourg Courtesy The Athenaeum, Irene, dim 84 x 129,5 cm
photo Cologne Wikimedia commons Four_girls_on_the_bridge.jpg Usr Pimbrils, dim 126 x 126 cm

Ferme en Haute-Autriche, Gustav Klimt

Ferme en Haute-Autriche – Klimt

Ferme en Haute-Autriche, 1911-12, Gustav Klimt, Palais du Belvédère, Vienne

Gustav Klimt (1862-1918) n’est pas seulement le peintre de la période dorée et du Baiser. Il a peint de nombreux (55) paysages très lumineux, le plus souvent sur des toiles au format carré. Il a en effet découvert les mouvements artistiques français et décidé d’épurer son style à partir de 1909, évitant l’or et se rapprochant du divisionnisme cher à Seurat, Signac, etc.. mais aussi des couleurs des Fauves qui ont exposé à Vienne en 1908.

Klimt le Viennois a passé à partir de 1897 ses vacances d’été en Haute-Autriche, sur le lac Atter (Attersee à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Salzbourg) avec sa compagne Émilie Flöge. Ses paysages sont toujours vides de personnages, ce qui leur donne une sérénité et un calme particulier. Le feuillage des arbres répond à la prairie en fleurs. Klimt peignait ses toiles en plein air et les terminait en atelier. Les lieux sont donc réels et non imaginaires. Un autre tableau de Klimt, célèbre pour d’autres raisons, a été peint ici. Le Jardin au crucifix (1912-1913) a été détruit dans l’incendie du château d’Immendorf par les Nazis le 8 mai 1945 (à moins que les camions en fuite aient été chargés avec les œuvres et que…).

Le tableau du jour est au palais du Belvédère comme Le Baiser ou Judith. Son succès est si grand qu’il a été reproduit sur toutes sortes de supports, y compris des coques de téléphone portable. On sait aussi que l’Autriche s’est dotée d’une loi exemplaire de restitution aux héritiers spoliés dans le cas d’achats douteux à partir de 1938, et qu’un autre paysage de Klimt de même taille (Litzlberg am Attersee) a été vendu aux enchères en 2011 pour 40,4 millions de dollars suite à un jugement de restitution envers le musée de Salzbourg. Mais l’acquisition de cette toile dès 1912 ne saurait être douteuse. Vous pourrez toujours aller l’admirer au Belvédère.

Dim 110 x 110 cm
Photo wikimedia commons : Oberösterreichisches Bauernhaus Usr : GianniG46

Parution en juillet 2017 de Gustav Klimt (1862-1918), entre femmes et paysages

Retrouvez sa biographie, les femmes qu’il a peints et qu’il a aimées, les 55 paysages de sa maturité, les records d’enchères des vingt dernières années, …