La Baigneuse blonde, Pierre Auguste Renoir

La Baigneuse blonde, Auguste Renoir

La Baigneuse blonde, 1882, Pierre Auguste Renoir, Pinacoteca Agnelli, Turin.

En 1881, Renoir voyage. Il a commencé deux ans avant avec l’Algérie, puis l’année suivante à Guernesey, avant de partir avec sa compagne Aline Charigot pour l’Italie. Ils annoncèrent à cette occasion à leurs deux familles qu’ils s’étaient mariés alors qu’il ne le feront que… neuf ans plus tard. Aline a posé à Capri et le tableau originel est maintenant dans la collection du Clark Institute (près de Boston). Renoir avait réalisé en rentrant à Paris une réplique, qu’il vendit à Gaston Gallimard, et qui arriva beaucoup plus tard dans la collection de Giovanni et Marella Agnelli.

Aline est ici dans toute la flamboyance de ses 22 ans, son compagnon en a 41. Renoir vient d’aller voir les vénitiens, les florentins et les romains. Sa manière en est toute perturbée et il va donner une plus grande importance au dessin dans les années à venir (manière « ingresque » ou « aigre »), en tout cas pour les premiers plans. La réplique diffère de l’original par le traitement du fond qui devient ici une ébauche de paysage, au service d’une débauche de couleur.

Il est plus facile d’aller voir ce tableau à Turin qu’à Williamstown. La Pinacothèque Agnelli est un endroit incroyable dans les étages supérieurs d’une ancienne usine Fiat (le Lingotto) et surtout au-dessus d’un centre commercial. Et avant ou après le shopping, il suffit de prendre un ascenseur pour se retrouver avec Renoir(entre autres).

Quelques compléments sur la Pinacoteca Agnelli sur le blog VisiMuZ ICI

Pour en savoir plus sur Renoir et retrouver les tableaux qu’il a peints à cette époque, retrouvez sa biographie par Ambroise Vollard avec 200 reproductions,ICI.

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28/12/2015

Photo wikimedia commons Renoir_-_La_baigneuse_blonde.jpg Usr Rlbberlin

La Pie, Claude Monet

La Pie, Claude Monet

La Pie, 1868-69, hst, 89 x 130 cm, Claude Monet, musée d’Orsay

Monet a 28 ans, il cherche plus à exprimer la substance qu’à rendre une apparence. Alors il s’attaque à un sujet complexe, la neige, à la suite de Courbet mais en espérant minimiser les effets théâtraux de ce dernier. L’impressionnisme va naître cinq ans après.

Les bandes noires sont comme une portée musicale dont la pie est une note, dans cet espace presque monochrome aux reflets bleutés. Monet nous propose-t-il un hommage à Rossini ? On sait que celui-ci a écrit son opéra en 1817, mais il a révisé une dernière fois sa composition à Paris en 1866, seulement 3 ans avant la naissance du tableau de Monet.

La barrière à claire-voie est aussi une frontière entre l’espace du premier plan et celui-de l’arrière-plan. Mais il y a une autre dimension symbolique. La moitié inférieure du tableau est dédiée à la terre, la moitié supérieure à l’air et au ciel. Et juste à la limite entre ces deux mondes se tient la pie, capable d’appartenir à l’un comme à l’autre et séparant les deux espaces.

Au premier regard, ce sont la couleur et la texture de la neige qui nous frappent d’abord. Citons Federico Zeri[*] : « Les Romains avaient une grande sensibilité au blanc et au noir. Ils avaient deux mots pour désigner le blanc : candidus et albus. Candidus, c’est le blanc scintillant, celui de la neige ; albus, par contre, c’est le blanc qui n’a pas de reflet, celui de la coquille d’œuf…/… Nous disons, nous, simplement, la neige est blanche et les œufs sont blancs …/… On trouve chez les impressionnistes d’autres tableaux avec de la neige, très réussis, peints avec un grand bonheur d’expression. J’ai vu récemment un tableau de Monet où justement la neige est représentée avec cette extraordinaire qualité de silence… ».

La toile a évidemment été refusée au Salon de 1869.

[*]. Federico Zeri, Derrière l’image, p.30 et p.69

10/12/2015

Photo wikimedia commons Claude Monet – The Magpie – Google Art Project.jpg Usr : Paris 16

Roses dans le jardin au Petit-Gennevilliers, Gustave Caillebotte

Roses dans le jardin au Petit-Gennevilliers, Gustave Caillebotte

Roses dans le jardin au Petit-Gennevilliers, 1883, hst, 89 x 116 cm, Gustave Caillebotte, collection particulière

Gustave Caillebotte (1848-1894) a d’abord habité à Paris avec son frère Martial. Ils partageaient un appartement (aujourd’hui on dirait une « coloc ») d’abord à l’angle de la rue de Miromesnil et de la rue de Lisbonne, puis sur le boulevard Hausmann (n° 31). Après la mort de leur mère, les enfants Caillebotte vendent la propriété familiale de Yerres en 1879, et, en 1880, Gustave achète une maison au bord de la Seine, au Petit-Gennevilliers. Pensée d’abord comme villégiature, elle deviendra progressivement sa résidence principale. Il s’y adonne à deux de ses passions, la voile et l’horticulture. Le 20 juillet 1887, il écrit à Claude Monet : « J’ai enfin acheté, après des histoires dont je vous fais grâce, le terrain à côté de moi. Je me fais construire un atelier et je n’ai plus d’autre domicile que le petit Gennevilliers… »

Caillebotte partageait avec Monet la passion des fleurs. Les deux amis s’échangeaient des plants. Les lettres des années 80-90[*] de Caillebotte à Monet parlent de lys, d’oignons roses, de pivoines, ou encore de Stanopia aurea (une orchidée). Et Monet lui répond par exemple en 1891 : « Cher ami, ne manquez pas de venir lundi comme c’est convenu, tous mes iris seront en fleurs, plus tard il y en aurait de passés. Voici le nom de la plante japonaise qui me vient de Belgique : Crythrochaete ». Un indicateur de la passion qui unissait les deux hommes. Caillebotte, qui avait beaucoup d’argent, mais qui, du fait de ses nombreuses passions avait peu de temps, faisait travailler à l’année deux jardiniers dans son jardin.

Comme Monet à Giverny, Caillebotte a conçu et planté son jardin avant de le peindre.

Notre tableau du jour montre la compagne du peintre, Charlotte, et son petit carlin, devant les roses qui faisaient la fierté de Gustave. Charlotte a à cette époque une vingtaine d’années, Gustave a 35 ans. La même année, Renoir a passé un mois chez Caillebotte et réalisé le portrait de Charlotte avec son petit chien (à voir à la National Gallery of Art, Washington).

Dix ans plus tard, un autre tableau va de nouveau montrer Charlotte dans le jardin.

Dahlias : le jardin au Petit-Gennevilliers, Gustave  Caillebotte

Dahlias : le jardin au Petit-Gennevilliers, 1893, hst, 157 x 114 cm, Gustave Caillebotte, collection particulière

07/12/2015

Photos : Courtesy The Athenaeum, rocsdad et chris_mccormick

[*] vente des archives Monet. Archives Claude Monet, correspondances d’artiste, collection Monsieur et Madame Corneboi, Artcurial, Paris, Hôtel Dassault, mercredi 13 décembre 2006.

Le Jardin de M. Hoschedé à Montgeron, Alfred Sisley

Sisley Le Jardin de M. Hoschedé à Montgeron

Le Jardin de M. Hoschedé à Montgeron, 1881, h.s.t., 56 x 74 cm, Alfred Sisley, musée Pouchkine, Moscou

Aux débuts de l’impressionnisme

Tout commence vers 1870. Ernest Hoschedé (1837-1891) a épousé Alice Raingo (1844-1911) en 1863. Alice reçoit en héritage le château de Rottembourg à Montgeron (91) dans lequel les Hoschedé s’installent en 1869.

Ernest est un homme d’affaires, propriétaire d’un magasin de lingerie à Paris, le « Gagne-Petit ». C’est l’époque des grands magasins et du Bonheur des dames de Zola. Mais Ernest est aussi passionné d’art et flambeur. En mars 1870, pour une réception au château, il loue un train qu’il fait arrêter devant le parc du château, pour que les invités n’aient pas à marcher depuis la gare.

« Chéri, s’il te plaît, gare le train à l’entrée du jardin ! ». On imagine bien la scène.

Mais la guerre arrive bientôt. Les Hoschedé fuient devant l’arrivée des Prussiens puis reviennent en mars 1871. Ernest est féru de peinture moderne. En 1874, il est le premier acquéreur de Impression, soleil levant d’un certain Claude Monet (pour 800 francs).

Quand l’homme d’affaires joue les mécènes

Pour décorer les grandes pièces de son château, il a l’idée d’inviter les artistes qu’il admire au château pour quelque temps, afin qu’ils réalisent des tableaux sur place. .

Les premiers à venir en juin 1876 sont Édouard et Suzanne Manet qui restent 2 semaines. Puis c’est au tour d’Alfred et Marie-Eugénie Sisley en juillet. Puis Claude Monet arrive en août. Il restera là jusqu’en décembre.

Mais Ernest fait bientôt faillite et il perd tout : son château, ses tableaux et même… sa femme et ses enfants qui partent vivre avec et chez Claude Monet à Vétheuil. Alice deviendra ensuite la seconde madame Monet. Lors de la vente finale à Drouot en mai 1878, plus de 130 tableaux sont vendus et Impression, Soleil levant est adjugé dans l’indifférence générale au prix ridicule de 210 francs. Parmi les toiles, 13 Sisley, 16 Monet, 5 Manet, etc.

Un tableau énigmatique

Notre tableau du jour est présenté en 1881. On peut penser qu’Alfred Sisley l’avait commencé en 1876, puis mis de côté et l’a repris en cette année-là avant de le signer et de l’exposer. Il a d’abord appartenu au baryton J.B. Faure (qui avait été le mécène de Sisley en 1874 pour son voyage en Angleterre). Puis Durand-Ruel l’acheta en 1900 et le vendit en 1904 pour la modique somme de 40 000 francs au grand collectionneur russe Ivan Morozov, qui faisait ses achats de tableaux à Paris très souvent. Ce prix modique représentait déjà une multiplication par 200 par rapport aux prix de Sisley juste avant sa mort (environ 200 francs) en 1899, 5 ans avant. .

Mais la collection Morozov fut ensuite nationalisée (confisquée) par les Soviets en 1917 et le tableau de Sisley s’est ainsi retrouvé au musée Pouchkine, une histoire folle qui justifierait à elle-seule plusieurs publications.

Toutes ces aventures ne doivent pas vous empêcher d’apprécier ces harmonies de verdure, peintes depuis le fond du parc.

25/11/2015

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

La Cueillette des coquelicots, Mary Cassatt

Les années 1870 ont été celles des coloristes. Delacroix avait montré la voie. Les jeunes gens nés vers 1840 l’ont suivie avec comme armes les théories de Chevreul (1839 – De la loi du contraste simultané des couleurs… ICI) et la peinture en tube d’étain, inventée en 1841, qui va permettre de peindre en plein-air.

Le champ de coquelicots par ses contrastes de vert et de rouge va devenir un thème prisé à partir de 1873-74. Mary Cassatt (1844-1926) a 31 ans quand elle réalise le tableau du jour. Il correspond à une évolution de sa technique.

La Cueillette des coquelicots, Mary Cassatt

La Cueillette des coquelicots, 1875, Mary Cassatt, hst, 26,6 x 34,3 cm, collection privée BrCR 42

Citons Achille Ségard, le biographe de Miss Cassatt. « À partir de 1874, les essais se précisent, le dessin se resserre, le trait devient plus nerveux et plus incisif. Miss Mary Cassatt se cherche elle-même et elle se cherche par le dessin. Dans une certaine mesure, elle réfrène une qualité naturelle dont elle se sentait sûre et dont elle savait bien qu’elle tirerait un jour de beaux effets : le don de voir en coloriste. Ce don implique le plaisir de se complaire à l’analyse subtile des complexités quasi imperceptibles des nuances et la joie de regarder par taches, de ramener à des valeurs colorées les personnes, les objets ou les paysages. »

Mary Cassatt suit de peu le premier tableau de Claude Monet (musée d’Orsay, W274) mettant en scène des coquelicots.

Coquelicots (La Promenade), Claude Monet

Coquelicots (La Promenade), 1873, hst, 50 x 65,3 cm, Claude Monet, musée d’Orsay, Paris W274

Champs de coquelicots près d'Argenteuil, Claude Monet

Champs de coquelicots près d’Argenteuil, 1875, hst, 54 x 73,7 cm, Claude Monet, Metropolitan Museum of Art, New York W380

Mais on sent déjà chez Cassatt son attirance pour les portraits d’enfants. Alors que les silhouettes ne sont guère plus que des taches de couleur chez Monet, les volumes de l’enfant sont mis en valeur par Mary Cassatt.

Découvrez tout l’œuvre de Miss Cassatt dans la monographie enrichie publiée chez VisiMuZ : ICI.

21/11/2015

Photos
1) Cassatt : wikimedia commons, File:Mary_Cassatt_-_Picking_flowers_in_a_field_–_1875.jpg Usr Jane023
2) Monet : wikimedia commons, File:Claude_Monet_-_Poppy_Field_-_Google_Art_Project.jpg, Usr DcoetzeeBot
3) Monet : Metropolitan, Courtesy wikiart.org

Renoir, Nini et la bourgeoisie parisienne

Renoir, Nini et la bourgeoisie parisienne dans les années 1875-1879


Épisode 1 : Renoir et Nini gueule de raie.
Épisode 2 : Le jardin de la rue Cortot.

Épisode 3 : Renoir et la bourgeoisie parisienne dans les années 1875-1879.


Vers 1875, Renoir décide, afin de mieux vendre ses toiles, de se spécialiser comme « peintre de figures » et il va s’efforcer de pénétrer la bourgeoisie parisienne afin d’obtenir des commandes d’une part, de lui vendre des tableaux déjà réalisés d’autre part. Il fut aidé en cela par l’éditeur Georges Charpentier, pour qui son frère Edmond travaillait, et surtout par sa femme Marguerite, dont le salon mondain était « le rendez-vous de tout ce que Paris comptait de célébrités » (Renoir, par Vollard, chapitre ). Renoir, même s’il a encore du mal à vivre, va rencontrer là tous ses clients des années à venir. Les commandes sont des tableaux qui seront accrochés dans un cadre déjà défini. Ils peuvent donc être plus ou moins importants en taille. Les autres sont en général de petit ou moyen format, plus faciles à vendre. Les quatre portraits ci-dessous de Nini font partie de cette 2e catégorie. Un cinquième, qui représente seulement sa tête, se trouvait dans les années 1980 dans une collection suisse (1876, 27 x 22 cm, F215)

Renoir, Jeune Fille au chat

Jeune fille au chat, hst, 55 x 46 cm, 1876, P.A. Renoir, National Gallery of Art, Washington (DC), F214

Renoir, Profil blond (Portrait de Nini Lopez)

Profil blond (Portrait de Nini Lopez), 26 x 22 cm, P.A. Renoir, collection particulière, F256

Ce petit portrait a été vendu chez Christie’s à Londres le 25 juin 2002 pour 501,650 £ (751,973 $). Nini est vêtue d’un corsage noir et blanc, avec un noeud vert et un catogan noir dans les cheveux.

Renoir Portrait de Nini Lopez,

Portrait de Nini Lopez, 1876, 54,5 x 38 cm, P.A. Renoir, musée André Malraux (MUMA), Le Havre, F257

On retrouve la même tenue que dans le tableau précédent.

Renoir L’Ingénue (Nini Lopez)

L’Ingénue (Nini Lopez), ca 1877, hst, 55 x 46 cm, P.A. Renoir, Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown (MA) F269

Parfois le thème était choisi avec le commanditaire, et le peintre se permettait alors des formats plus importants.

Renoir, La Sortie du conservatoire

La Sortie du conservatoire, 1877, hst, 187,3 x 117,5 cm, fondation Barnes, Philadelphie, F266

Nini est au premier plan à gauche. Ce tableau a été réalisé pour le compositeur et musicien Alexis Emmanuel Chabrier (1841-1894). Les dimensions importantes du tableau s’expliquent par le fait qu’il s’agit d’une commande. À cette époque, il est vraisemblable que Renoir n’aurait pas pris le risque d’un tel format sans s’assurer auparavant du débouché. Dans la monographie de Vollard, Renoir évoque ce tableau « peint dans le jardin de la rue Cortot ».

Renoir, Le Premier Pas

Le Premier Pas, 1877-80, 111 x 81 cm, collection particulière, F396

Ce tableau, longtemps daté de 1880 et maintenant daté plutôt de 1877, est semble-t-il, le dernier dans lequel apparaît Nini.

Georges Rivière termine l'évocation de Nini par les lignes suivantes.

« Le rêve de cette bonne mère ne se réalisa pas. Nini s'éprit d'un cabotin du théâtre Montmartre qui jouait le rôle de Bussy dans la Dame de Montsoreau – le grand succès de Montmartre – et l'épousa. »

– “Ma fille nous a déshonorés !” s'écria -t-elle, lorsque se produisit cette catastrophe. »

Après son mariage, Nini ne va plus poser pour le peintre. Remarquons qu’aucun des tableaux pour lesquels Nini a posé ne représente de nu. Mais à cette époque, Renoir pour ses nus, depuis devenus très célèbres, faisait poser un autre modèle, Margot, qui fut aussi sa maîtresse et (presque) sa compagne durant quelques années, que nous évoquons plus longuement dans la biographie de l’artiste.

Nini n'est plus modèle et la carrière de Renoir est lancée. Sa clientèle fortunée devient plus abondante, il côtoie le Tout-Paris. Ses prix vont (enfin) commencer à monter. La suite… sort du cadre de notre article.


Fin des aventures de Nini Lopez, modèle de Renoir. Si vous avez aimé un peu, vos « j'aime », partages et commentaires nous le montrent. Mais si vous avez aimé beaucoup, vous aurez encore plus de plaisir à lire la monographie de Renoir parue chez VisiMuZ. Nous comptons sur vous.



Crédits Photos
8 - Courtesy The National Gallery of Art, Washington (DC)
9 - non illustré
10 - Courtesy wikiart.org
11 - Photo VisiMuZ
12 - wikimedia commons Pierre_Auguste_Renoir_La-sortie_du_Conservatoire.jpg Usr Rlbberlin
13 - Courtesy The Athenaeum, rocsdad
14 - Courtesy wikiart.org

Renoir et Nini gueule de raie 2

Cet article est la suite de celui paru hier( ICI). Une fois la série terminée, les différents articles seront fusionnés.

2. Renoir dans le jardin de la rue Cortot

En 1875, Renoir réalise Mère et enfants (Frick Collection, New York), vraisemblablement dans un jardin public de Montmartre. Ce portrait lui est payé 1200 Francs et va lui permettre de franchir un palier. À cette époque, il souhaite peindre Le Moulin de la Galette

Renoir : « C’était bien compliqué : les modèles à trouver, un jardin… J’eus la veine d’obtenir une commande qui m’était royalement payée : le portrait d’une dame et de ses deux fillettes, pour 1200 francs. Je louai alors, à Montmartre, une maison entourée d’un grand jardin, à raison de 100 francs par mois ; ce fut là que je peignis Le Moulin de la Galette, La Balançoire, La Sortie du Conservatoire, Le Torse d’Anna… »

Le jardin de la rue Cortot devient alors un nouvel atelier qui permettra à Renoir ses plus beaux effets de lumière. Nini a posé pour plusieurs des tableaux de cette époque, changeant de rôle comme le font les actrices. Le jardin reçoit à la belle saison famille et amis : Edmond Renoir, Georges Rivière, Paul Lhôte passent presque quotidiennement.

Renoir, La Songeuse (Pensive)

La Songeuse ou Pensive, 1875, huile sur papier sur toile, 46 x 38,1 cm, Virginia Museum of Fine Arts, collection Paul Mellon, F169

Curieusement, alors que Renoir était célibataire (Lise Tréhot l’a quitté en 1872), la mère de Nini ne semble pas trop inquiète de la voir poser chez l’artiste.

Georges Rivière raconte :

« Nous ne connaissions à peu près rien de la vie de Nini. Elle n’avait pas de père. L’homme qui vivait avec sa mère, son « beau-père » selon l’euphémisme pudique de Montmartre, était prévôt dans une salle d’armes et l’on disait qu’il veillait jalousement sur la vertu de la jeune fille. La mère avait l’allure d’une ouvreuse de petit théâtre, – c’était peut-être du reste sa profession. Elle venait de temps en temps chez Renoir sous le prétexte de s’informer de la conduite de sa fille à l’égard du peintre et, chaque fois, elle lui disait en manière de confidence son inquiétude, sur l’avenir de Nini.

“Pensez-vous, monsieur Renoir,” soupirait-elle, “à quel danger elle est exposée ? Une jolie fille comme elle est bien difficile à garder ! Voyez-vous, il faudrait qu’elle ait un protecteur sérieux, un homme rangé qui assurerait son avenir. Je ne rêve pas pour elle d’un mylord ni d’un prince russe, je voudrais seulement qu’elle ait un petit intérieur tranquille. Tenez, il lui faudrait quelqu’un qui la comprendrait, un homme comme vous, monsieur Renoir”, ajoutait-elle en s’en allant. »

Renoir, La Couseuse

La Couseuse, 1875, hst, 65 x 55 cm , P. A. Renoir, collection particulière, F191

Ce tableau a été vendu le 08/11/1995 chez Sotheby’s, New York (lot 43) pour 2,400,000 dollars.

On sent nettement sur ces tableaux l’influence du plein-air par l’éclaircissement de la palette de Renoir.

Renoir, Nini dans le jardin

Nini dans le jardin (Nini Lopez), 1875, hst, 61,9 x 50,8 cm, P. A. Renoir, Metropolitan Museum of Art, New York, F188

La Jeune Fille au banc, Renoir

La Jeune Fille au banc, 1875, hst, 61 x 50 cm, P. A. Renoir, collection privée, F189

Ces deux tableaux ont été peints dans le jardin de la rue Cortot.

Suite… et fin demain : Renoir, Nini et la bourgeoisie parisienne entre 1875 et 1879 !

Crédits Photos
4 – wikimedia commons File:Pierre-Auguste_Renoir_-_Pensive_(La_Songeuse).jpg Usr Rlbberlin
5 – Courtesy The Athenaeum, rocsdad
6 – wikimedia commons Pierre-Auguste_Renoir_-_Nini_in_the_Garden.jpg Usr Boo-Boo Baroo
7 – Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Nini gueule de raie et Pierre-Auguste Renoir

Chez VisiMuZ, nous essayons de comprendre la personnalité des peintres, au-delà de leurs œuvres.

Les compagnes des artistes, leurs modèles, leurs amis, leurs commanditaires, les lieux dans lesquels ils ont vécu et voyagé construisent un ensemble qui permet de mieux comprendre la fascination que leurs œuvres peuvent exercer sur nous.

Dans la ici), nous évoquons longuement par exemple Lise, Nini, Margot, Ellen, Angèle, Maria (Suzanne Valadon), Aline, Jeanne, Gabrielle, La Boulangère, Dédé, Madeleine, etc.

Mais le site VisiMuZ est aussi un complément à nos ouvrages, afin de vous faire découvrir des œuvres particulières, ou en prenant un autre angle que celui choisi par l’auteur des monographies.

Nous avons choisi d’évoquer Nini Lopez, surnommée peu élégamment « gueule-de-raie », un des modèles préférés de Renoir entre 1874 et 1878. Elle apparaît pour la première fois sur le tableau La Loge en 1874. Même si le peintre était discret sur ses modèles, elle a été identifiée depuis dans pas moins de 14 tableaux (source Joconde).

Pour mieux comprendre la chronologie, nous avons indiqué pour chaque tableau son numéro d’ordre dans le catalogue Fezzi[1], par exemple ci-après F120.

Nous avons retrouvé ces 14 tableaux et allons les regarder avec vous, le temps d’une promenade en trois temps dans la vie de Renoir entre 1874 et 1879.

1. Entrée en scène de Nini Lopez. (ici),
2. Renoir et le jardin de la rue Cortot. (à paraître)
3. Renoir et la bourgeoisie parisienne dans les années 75-79. (à paraître)

1. Entrée en scène de Nini Lopez

Renoir, La Loge

La Loge, 1874, hst, 80 x 63,5 cm, Pierre-Auguste Renoir, institut Courtauld, Londres, F120

Sur ce tableau, les modèles sont Edmond Renoir, le frère du peintre, et Nini au premier plan.

Georges Rivière[2], ami de Renoir, a évoqué Nini :

« Entre 1874 et 1880, Renoir eut pour modèle habituel une jolie fille blonde qu’on appelait Nini. C’était le modèle idéal : ponctuelle, sérieuse, discrète, elle ne tenait pas plus de place qu’un chat dans l’atelier où nous la trouvions encore lorsque nous y arrivions. Elle semblait s’y plaire et ne se pressait pas, la séance terminée, de quitter le fauteuil où elle se tenait penchée sur un travail de couture ou lisant un roman déniché dans un coin ; telle enfin qu’on la voit dans un grand nombre d’études de Renoir. »

Ce tableau est devenu historique puisqu’il a figuré à la première exposition impressionniste de 1874. Il a ensuite été acheté à l’artiste par le père Martin (1875) pour 425 Francs. Il se caractérise par une lumière et une intensité chromatique très forte, révolutionnaires à cette époque encore marquée par le « noir bitume ».

Le thème de la loge de théâtre a été très utilisé à cette période. Après Daumier, ce sont Renoir, Degas, Mary Cassatt, Vallotton qui nous ont donné chacun leur vision. Nous avons publié il y a quelque temps un exemple par Mary Cassatt en 1879 (ici). Au XIXe siècle, la salle n’était pas comme aujourd’hui plongée dans l’obscurité, et les spectateurs pouvaient lire le texte de la pièce ou encore regarder leur voisins. Cette jeune femme est ici l’archétype de la jolie parisienne à la mode, aux bijoux somptueux, mise en valeur par l’éclairage au gaz. Elle est à la fois spectatrice et spectacle pour les autres spectateurs. Ce trait est accentué par l’attitude en arrière-plan de son compagnon, qui regarde ou plutôt mate avec ses jumelles en direction des corbeilles et galeries occupées par d’autres jolies spectatrices.

Il existe une variante beaucoup plus petite de cette toile, en mains privées, qui est certainement une étude préparatoire (F119).

Renoir – La Loge (étude), 1874

La Loge(étude), 1874, hst, 27 x 21 cm, Pierre-Auguste Renoir, vente Sotheby’s Londres, 5 février 2008, F119

Cette étude avait fait partie de la dramatique vente des impressionnistes en 1875 à Drouot, dans laquelle les peintres n’avaient même pas couvert leurs frais. Elle a été vendue à Londres, chez Sotheby’s, le 5 février 2008. En raison de la parenté du tableau avec la toile précédente, et malgré sa petite taille, la vente a atteint la somme de 7,412,500 £ avec les frais (soit plus de 10 M. euros) pour une estimation allant de 2,5 à 3,5 M. £.

Par rapport à la vision de cette jolie jeune femme, en accord avec la description de Rivière, on comprend d’autant moins ce surnom de « gueule de raie », qui décrit dans l’argot du temps une femme vieille et laide.

Renoir, Portrait de Nini gueule-de-raie

Portrait de Nini gueule de raie, 1874, Pierre-Auguste Renoir, hst, 61 x 48 cm, collection particulière, F134


Dans cette troisième toile, on sent bien la filiation avec les tableaux précédents. Est-il aussi, comme l’a suggéré François Daulte, une étude pour La Loge ? Ce portrait est resté en France (à Biarritz) jusqu’en 2001, avant de partir aux États-Unis. En 2008, donc avant la folie mégalomane sur le marché de l’art que l’on vit depuis, il a été vendu chez Sotheby’s à New York le 3 novembre pour 5,570,500 $.

À suivre… demain !

[1]. Catalogue E. Fezzi & J. Henry, Tout l’œuvre peint de Renoir, période impressionniste, 1869-1883, Paris, 1985
[2]. repris dans la monographie par Vollard, enrichie par VisiMuZ, ici.

Photos
1- wikimedia commons Pierre-Auguste_Renoir,_La_loge_%28The_Theater_Box%29.jpg Usr Luestling
2 – Courtesy The Athenaeum, rocsdad
3 – Courtesy The Web Gallery of Impressionism

Le Bateau-atelier, Claude Monet

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Le Bateau-atelier, 1874, Claude Monet, musée Kröller-Müller, Otterlo.

En 1871, Manet a trouvé à Monet une maison à Argenteuil. Claude emménage en décembre et il habitera là jusqu’en 1874. Il déménagera alors à quelques mètres pour la maison rose aux volets verts du 21 boulevard Saint-Denis (actuel boulevard Karl-Marx), qui existe toujours.

Depuis 1851, le train arrivait ici en 15 minutes depuis la gare Saint-Lazare. Par rapport à un Paris dont la population avait doublé en cinquante ans, Argenteuil avait tous les avantages pour Monet  : la nature, l’eau et la proximité. La nature s’était déjà fortement transformée cependant. Si le petit bras de la Seine, le long de l’île Marande, illustrait une nature inchangée, le bassin montrait sur ses rives comme sur l’eau tous les aspects de la civilisation moderne (cheminées d’usine, ponts, péniches, voiliers, vapeurs, aviron, etc.). Monet, peintre de la modernité, va surtout dépeindre les aspects modernes (trains, voiliers) mais idéalisera le site dans ses tableaux en masquant les aspects qui lui déplaisent. L’Argenteuil que dépeint Monet est, selon le mot de Paul Hayes Tucker, « une cour de récréation urbaine pour citadins »[*].

Pour être plus proche de la nature, Claude a fait modifier un bateau en atelier, afin de lui permettre une présence au milieu de ses motifs préférés. Contrairement à certaines idées reçues, la peinture de Monet est alors très intellectuelle, le peintre regarde ses motifs au travers du cadre de la porte de son bateau, adaptant le décor à l’idée qu’il a imaginée (voir Alberti, et son ouvrage De Pictura, paru en 1436). L’idée du bateau-atelier lui avait été soufflée par Charles François Daubigny (1817-1878), qui avait fait construire le sien, baptisé Botin en 1856, et naviquait au demeurant beaucoup plus loin que Claude Monet.

Très vite le bateau où, dit Monet, il a juste assez de place pour installer son chevalet, se transforme le soir en salon d’été pour les amis. Renoir et Manet se retrouvent là avec Monet et sa femme Camille. Caillebotte fera la connaissance de Monet au début de 1876 et les rejoindra au printemps. Ce n’est donc pas Caillebotte l’architecte naval, qui construisit ce bateau (contrairement à ce qui est évoqué parfois). On compte plusieurs tableaux représentant le bateau-atelier, mais tous de 1874 à 1876. Monet fera encore référence à ce bateau dans une lettre de 1884 (« il est en réparation »), puis plus rien. Il a sans doute fini pourri entre deux eaux. Notons aussi qu’à l’été 1876, Monet a rencontré Alice Hoschedé et que la terre a de nouveaux arguments pour le retenir.

Une réplique du bateau-atelier a été construite en 1990 et est perdue (elle-aussi) depuis 2002. Si vous avez des informations sur ce sujet, elles seront transmises avec diligence !

06/11/2015

[*] TUCKER Paul H., Monet à Argenteuil, Paris, Éditions du Valhermeil, 1990, p. 24.
Dim 50 x 64 cm
Photo wikimedia commons File:Claude_Monet_The_Studio_Boat.jpg Usr Arz1969

Chrysanthèmes (Le Panier renversé), Berthe Morisot

2 novembre, fête des morts, symbolisée par tous ces chrysanthèmes dans les cimetières.

Chrysanthèmes, Berthe Morisot

Chrysanthèmes (Le Panier renversé), 1885, Berthe Morisot, collection particulière.

Berthe Morisot est heureuse en 1885. Elle vient de faire construire avec son mari Eugène Manet l’hôtel particulier de la rue de Villejust. Berthe s’est occupée de la décoration. Elle met elle-même la main à la pâte (ou plutôt à la palette) dans les pièces de réception et réalise plusieurs tableaux tels que Vénus dans la forge de Vulcain, une copie d’après Boucher, L’Oie, une grande toile verticale, un Panier de jonquilles et notre Panier renversé.

C’est là que les Manet vont recevoir, dans ces années heureuses, leurs amis Renoir, Mallarmé, Degas, Claude Monet, Caillebotte, Théodore Duret, Puvis de Chavannes, James Abbott Whistler. Mallarmé racontera en 1896 qu’il étaient « hôtes du haut » dans ce salon du soir qui était aussi dans « la matinée, atelier très discret, dont les lambris Empire encastrèrent des toiles d’Édouard Manet », le frère et beau-frère décédé deux ans plus tôt.

L’ami Mallarmé toujours, dans des quatrains parus en 1894 sous le titre Les Loisirs de la Poste, eut l’idée de retranscrire en vers l’adresse de ses correspondants et amis sur les enveloppes. Ainsi, il écrivait sur l’enveloppe, pour envoyer ses lettres à Berthe Morisot :

« Apporte ce livre, quand naît
Sur le Bois l’Aurore amaranthe,
Chez Madame Eugène Manet
Rue au loin Villejust, 40. »

Une des si nombreuses belles histoires à retrouver dans la monographie de Berthe Morisot, enrichie par VisiMuZ.

02/11/2015

Dim 46 x 55,6 cm
Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Le Pont Louis-Philippe, J.B. Armand Guillaumin

Le Pont Louis-Philippe, Armand Guillaumin

Le Pont Louis-Philippe, 1875, Jean-Baptiste-Armand Guillaumin, National Gallery of Art, Washington.

J.B. Armand Guillaumin (1841-1927) ou l’impressionniste oublié. Il a rencontré Renoir, Pissarro, Monet, Cézanne lors de sa formation à l’académie Suisse en 1861. Il a fait partie de l’aventure dès le salon des refusés de 1863, il exposera avec ses amis lors des expositions impressionnistes de 1874 (1ère) ou 1877 (3e). Il a travaillé souvent avec Cézanne en 1873 à Auvers. À sa mort en 1927 à 86 ans, il était le dernier survivant du groupe. Le musée d’Orsay possède plus de 45 œuvres de l’artiste : il en a mis 28 en dépôt dans les musées de province et, hier, exposait une seule œuvre à Paris. Le même désamour existe dans d’autres musées qui ont relégué ses œuvres dans les réserves.

Quels ont été ses torts ? Le premier est sans doute d’avoir été infidèle à ses premières amours, et avec moins de succès. Il anticipe les Fauves dès 1895, puis se répète à partir de 1900 avec des paysages nombreux de Crozant (Creuse) et du massif de l’Estérel. Le second est peut-être d’avoir gagné un lot important à la Loterie Nationale, qui le rendit indépendant financièrement en 1892. Notre tableau a été acquis par le grand collectionneur Chester Dale en 1927. Dale légua l’intégralité de ses 240 peintures à la National Gallery of Art, Washington à sa mort en 1962.

Dans ce tableau, Guillaumin montre le début de l’évolution qui le conduira vers le Fauvisme. Les teintes sont plus contrastées et les couleurs plus puissantes. Guillaumin, encore plus que Monet ou Sisley, a toujours été attiré par l’eau et celle-ci apparaît dans la plupart de ses toiles.

Le pont Louis-Philippe se situe entre la rive droite et l’île Saint-Louis. Construit une première fois en 1834, il a été reconstruit en pierre en 1862. Au premier plan se trouve un bateau-lavoir. Paris compte à cette époque plus de 100 bains publics, presque tous sur la rive droite (plus ensoleillée), et le métier de laveuse permettait aux toutes jeunes filles (dans le roman de Zola, L’Assommoir, Gervaise dit avoir commencé à 10 ans) comme aux vieilles femmes d’aider à la subsistance de leur famille.

31/10/2015

Dim 45,8 x 60,5 cm
Photo Courtesy National Gallery of Art, Washington

Pêcheuses de moules à Berneval, Renoir

Renoir Pêcheuses de moules à Berneval

Pêcheuses de moules à Berneval, 1879, Pierre-Auguste Renoir, fondation Barnes, Philadelphie.

Renoir a séjourné plusieurs fois au château de Wargemont, chez ses amis Marguerite et Paul Bérard. Berneval, près de Dieppe est aussi à quelques kilomètres de Wargemont.

La Ve exposition des Impressionnistes a eu lieu en 1880. Comme en 1877 et 1879, Renoir s’abstient d’y participer. A contrario, il va postuler au Salon officiel, celui de M. Gérôme (comme disait Cézanne) avec ces Pêcheuses de moules et la Jeune fille au chat. Il va être admis. Renoir était convaincu que pour recevoir des commandes des milieux fortunés de Paris, il était nécessaire d’exposer au Salon. Il l’a expliqué dans une lettre à Durand-Ruel au début de mars 1881.

«. Mon cher Monsieur Durand-Ruel,
Je viens tâcher de vous expliquer pourquoi j’envoie au Salon. Il y a dans Paris à peine quinze amateurs capables d’aimer un peintre dans le Salon. Il y en a 80 000 qui n’achèteront même pas un nez si un peintre n’est pas au Salon. Voilà pourquoi j’envoie tous les deux ans deux portraits, si peu que ce soit. De plus, je ne veux pas tomber dans la manie de croire qu’une chose ou une autre est mauvaise suivant la place.

En un mot, je ne veux pas perdre mon temps à en vouloir au Salon. Je ne veux même pas en avoir l’air. Je trouve qu’il faut faire la peinture la meilleure possible, voilà tout. Ah ! si l’on m’accusait de négliger mon art, ou par ambition imbécile, faire des sacrifices contre mes idées, là je comprendrais les critiques. Mais comme il n’en est rien, l’on a rien à me dire, au contraire. »

Alors le peintre a joué « cavalier seul » et n’a pas exposé avec ses amis. Un an plus tard, suite à son voyage en Italie, Renoir va rompre avec sa manière impressionniste, pour entrer dans sa période « ingresque » ou « aigre ». Ce tableau est aussi l’un des deux derniers de l’artiste acquis par Albert Barnes (1872-1951). Barnes possédait à sa mort 178 tableaux de Renoir acquis entre 1912 et 1942. Il en acheta en particulier 41 en une seule fois juste lors de la dispersion de l’atelier à la mort du peintre.

Retrouvez ici tout Renoir dans sa biographie par Ambroise Vollard, chez VisiMuZ (avec 200 tableaux)

07/10/2015

Dim 176,2 x 130,2 cm
Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad