Triple portrait d’Yvonne Lerolle, 1897 – Maurice Denis

Maurice Denis Triple portrait d'Yvonne Lerolle

Triple portrait d’Yvonne Lerolle, 1897, huile sur toile, 170 x 110 cm, Maurice Denis, musée d’Orsay

Il est certains noms rencontrés au hasard des musées alors que le nom du modèle n’évoque rien. Mais Les artistes, collectionneurs et marchands au XIXe siècle ont formé une famille aux ramifications complexes. Ainsi Yvonne Lerolle (1877-1944) est la fille d’Henry Lerolle, un peintre ami de Renoir. Donc Yvonne se fait d’abord faire le portrait par Pierre-Auguste (portrait que l’artiste gardera jusqu’à sa mort en 1919). Grâce à Degas, Yvonne épouse ensuite Eugène Rouart. Eugène et Yvonne deviendront les modèles pris par André Gide pour sa trilogie L’École des femmes, Robert et Geneviève. André Gide, à la fois homosexuel et mari de Madeleine depuis 1895, aura plus tard une fille, d’Élisabeth, la fille de Théo van Rysselberghe.

Quant à Christine Lerolle (1879-1941), la petite sœur d’Yvonne, elle a aussi épousé un Rouart, Louis. Le troisième frère, Ernest Rouart, a épousé Julie Manet, la fille d’Eugène Manet et de Berthe Morisot, donc la nièce d’Édouard Manet.

Non, il ne s’agit pas de name dropping, mais en quelques lignes avec simplement trois frères et leurs épouses, dont deux sœurs, nous avons croisé Renoir, Degas, Manet, Morisot, van Rysselberghe, et côté littérature Gide et le cousin par alliance de Julie Manet, un certain Paul Valéry. Côté musique, Ernest Chausson est l’oncle des deux sœurs Lerolle et Claude Debussy un ami proche. Les dîners de famille et d’amis devaient être assez animés.

Maurice et Marthe Denis, seulement de huit ans plus âgés qu’Yvonne étaient aussi proches de la famille. Maurice Denis est rentré dans le cercle des Lerolle-Rouart par l’oncle Ernest Chausson, son premier client, devenu son ami. Les deux familles passeront ensemble un mois à Fiesole près de Florence à la fin de 1897.

Ce magnifique tableau symboliste est donc d’abord un témoignage de leurs liens. Et si Maurice a peint la jeune Yvonne, c’est sa femme Marthe qui a peint le cadre du tableau.

Trois fois la même personne, comme trois aspects de sa personnalité, c’est aussi un clin d’œil aux Poseuses de Seurat (fondation Barnes, études à Orsay), qui avait peint dans sa toile trois fois le même modèle. Le procédé est très ancien, il a été utilisé par exemple par Philippe de Champaigne pour Le Cardinal de Richelieu (National Gallery, Londres).

Ce portrait d’Yvonne Lerolle est entré à Orsay en 2010. Dominique Bona a écrit en 2012 un livre consacré aux sœurs Lerolle. Deux sœurs, Yvonne et Christine Rouart, les muses de l’impressionnisme (Grasset).

Retrouvez ce tableau de Maurice Denis et 700 autres (dont 360 illustrés) dans le livre La peinture au musée d’Orsay, paru chez VisiMuZ.

La peinture au musée d'Orsay – livre numérique Beaux-Arts

Photo wikimedia commons Denis_yvonne_lerolle licence CC-Pd-Mark Usr Pimbrils

24/09/2015 La Villa Les Écluses, Saint-Jacut, Édouard Vuillard

Vuillard – Villa Les Écluses Saint-Jacut

• La Villa Les Écluses, Saint-Jacut, 1909, Édouard Vuillard, High Museum of Art, Atlanta (acquis en 2008).

En 1909, une bande d’amis parisiens séjourna pour toute la saison d’été à la villa du Plessix à Saint-Jacut.

Étaient là Jos et Lucie Hessel, Alfred Natanson et sa famille, Tristan Bernard, Édouard Vuillard. Quelques absents de la tribu : Thadée et Misia Natanson avaient divorcé en 1905, les Vallotton venaient d’acquérir leur résidence à Honfleur, les Bernheim-Jeune (beaux-frères de Vallotton, cousins germains de Lucie Hessel) sont à Villers.

L’été à Saint-Jacut a été studieux. Natanson et Bernard travaillaient à leur pièce « Le Costaud des Épinettes ». Vuillard peignait. Il musardait sans doute aussi avec Lucie Hessel. Vallotton avait présenté les Hessel, devenus ses cousins par son mariage, à son vieil ami Vuillard en 1900. Lucie est vite devenue la maitresse d’Édouard et le restera jusqu’à sa mort. Il semble que Jos Hessel, le mari de Lucie n’en ait jamais pris ombrage. Jos était aussi le marchand exclusif d’Édouard.

Notre tableau du jour a été peint près de la villa du Plessix. La villa « Les Écluses » a été construite vers 1900. Elle existe toujours.

On connaît bien Vuillard, peintre d’intérieurs, décorateur, l’homme des silences. On connaît moins ses tableaux d’extérieurs. Mais contrairement à Cézanne par exemple, il ne travaillait pas « sur le motif ». Son célèbre Kodak lui permettait de figer la scène, quelques esquisses et sa mémoire lui permettaient de reconstruire le tableau en atelier.

Le résultat dans ce tableau est tout à fait particulier, abstrait autant que figuratif. Vuillard mélange ici de la colle à l’huile Cela donne cette texture tout à fait particulière et supprime toute profondeur et tout modelé au profit d’un paysage en deux dimensions. Seul notre œil, accoutumé à la perspective, reconstitue la profondeur.

Dim : 47,3 x 46,7 cm.
Photo Wikimedia commons  La_Villa_Les_Écluses,_St._Jacut,_Brittany_by_Édouard_Vuillard,_High_Museum_of_Art.jpg Usr Wmpearl

25/07/2015 Baigneuses, plage du Pouldu, Maurice Denis

25072015_Denis_Pouldu_PPalais

• Baigneuses, plage du Pouldu, 1899, Maurice Denis, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.

Que s’est il passé entre 1889 et 1899 au Pouldu. ? Souvenons-nous ! Avant-hier, nous découvrions un premier nu de Gauguin en Bretagne, mais il faut attendre son départ pour Tahiti pour voir ce thème revenir souvent dans sa peinture. Renoir et d’autres peignaient des nus en plein-air, mais il s’agissait le plus souvent de leurs compagnes.
Mais en 1893 paraît un livre d’Heinrich Pudor intitulé « Nacktkultur » (Culture du nu) et le naturisme commence à se développer y compris semble-il au Pouldu. Les 30 premières années du XXe siècle seront celles des baigneuses nues (ainsi le Vallotton d’il y a quelques jours), avant que la peste brune et son cortège d’interdictions puis la guerre les fassent disparaître du paysage artistique.
Maurice Denis est le peintre de nus sensuels, que son engagement catholique ramène très souvent à des compositions de Mères et enfant, comme ici . Les nuances de sa palette sont aussi tout à fait particulières. Elles se retrouveront chez certains Fauves comme Othon Friesz.

À lundi !

Dim 73 x 100 cm – Photo courtesy The Athenaeum, Irene