La Machine de Marly, Alfred Sisley

La Machine de Marly, Alfred Sisley

La Machine de Marly, 1873, hst, 45 x 64,5 cm, Alfred Sisley, NY Carlsberg Glyptotek, Copenhague, Daulte n° 67.

Les noms de Marly et de Sisley sont indissolublement liés à cause de la peinture des inondations de Port-Marly (et de ses répliques et variantes dont nous reparlerons). Sisley s’était d’abord installé dans les boucles de la Seine pour fuir l’occupation prussienne et la Commune. Il a habité en premier lieu Louveciennes puis en 1875, la famille Sisley va déménager de Voisins (Louveciennes) à Marly-le-Roi, pour un logement au loyer moins élevé, près de l’Abreuvoir. Ils vont y rester jusqu’en mars 1878.

La machine de Marly avait été construite sous le règne de Louis XIV pour alimenter en eau les jardins du château de Marly et du parc de Versailles en installant une dérivation sur la Seine. Elle fonctionna jusqu’en 1817 et fut remplacée sous Napoléon III par la machine de Dufrayer abritée dans le bâtiment que l’on voit ici. Cette machine comportait six roues de 12 mètres de diamètre. Elle fut détruite en 1968.

Sur ce tableau, le rose-orangé des briques répond aux bleus de la Seine et du ciel. On retrouve ici l’association bâtiments-nature, qui a souvent fait le succès du peintre et une structure géométrique d’horizontales, interrompues par la diagonale du barrage.

Le peintre a aussi représenté le chemin d’accès à la Machine (musée d’Orsay, Daulte 102), l’année suivante l’aqueduc qui transportait l’eau (musée de Toledo, Ohio, Daulte 133), puis les réservoirs en hiver (National Gallery Londres, Daulte 152), la Baignade des chevaux à Port-Marly (Virginia Museum of Fine Arts, Richmond, Virginie, Daulte 172).

Sisley et Marly, une histoire et des tableaux à retrouver en détail dans la biographie enrichie parue chez VisiMuZ.

27/04/2016

Photo wikimedia commons File : Alfred_Sisley_043.jpg Usr Eloquence

Bords du Loing près de Moret, Alfred Sisley

Bords du Loing près de Moret, Alfred Sisley

Bords du Loing près de Moret, 1892, hst, 73 x 92 cm, Alfred SISLEY, collection particulière Daulte 795.

En 1879, Sisley s’est établi près de Moret-sur-Loing (à Veneux). Les bords du Loing et Moret lui ont fourni une très grande variété de motifs.

Le 31 août 1881, Alfred écrit à son ami Claude Monet :

« Moret est à deux heures de Paris, manque pas de maisons à louer dans les prix de six cents à mille francs. Marché une fois par semaine, église fort jolie, vues assez pittoresques ; d’ailleurs si votre idée est de venir par ici, venez voir. Veneux-Nadon est à dix minutes de la station de Moret. »

Dans les lignes qu’il a consacrées à Sisley, Gustave Geffroy nous dit :

« Et voici les bords du Loing, des saules, des peupliers, des matins beaux comme la jeunesse du monde, la rosée qui s’évapore en halo blond autour des cimes légères, l’ombre bleue d’un village, des barques sur le flanc au bord de la rivière, des bicoques belles de lumière comme des palais de légende, des clartés blanches et des clartés mauves, les feuilles argentées des saules qui palpitent sous une brise fraîche. »

Notre toile du jour a été vendue le 19 juin 2013 chez Sotheby’s Londres pour 2 882 500 livres Sterling (soit 3,368 millions d’euros). On remarquera dans cette composition l’importance des souvenirs de Sisley, qui avait beaucoup fréquenté la National Gallery durant ses années londoniennes, et s’inspire ici d’un très célèbre tableau de Meindert Hobbema, ci-après.

L'Avenue à Middelharnis, Meindert Hobbema

Avenue à Middelharnis, 1689, 103,5 x 141 cm, Meindert Hobbema, National Gallery, Londres.

Nous avions déjà évoqué, le 19 novembre 2015, ce tableau à propos d’une composition de Ferdinand Hodler [ici].

Retrouvez les tableaux au bord du Loing et toute la poésie de Sisley, ici, dans la monographie publiée par VisiMuZ.

22/03/2016

Photo wikimedia commons
1) File:Alfred_Sisley_064.jpg Usr Jan Arkesteijn
2) File:Meindert_Hobbema_001 Usr Sandik

Falaises à Penarth, soir, marée basse, Alfred Sisley

Falaises à Penarth, soir, marée basse, Alfred Sisley

Falaises à Penarth, soir, marée basse, 1897, hst, 54 x 65 cm, Alfred Sisley, musée national du pays de Galles, Cardiff

Alfred Sisley (1839-1899) ou le blues du peintre à l’automne de sa vie. Alfred Sisley n’a pas vraiment connu le bonheur, la souffrance a été son lot quotidien, plus ou moins forte selon les périodes, même s’il a trouvé un peu de répit dans sa maison de Moret.

En juin 1897, le geste d’un mécène, François Depeaux, industriel à Rouen, lui permet de revoir l’Angleterre de ses parents (lui est né à Paris). M. Depeaux a invité le peintre à l’accompagner à Londres puis il lui paya un séjour de 4 mois au pays de Galles en lui achetant d’avance quelques paysages. Alfred est accompagné de sa compagne de toujours Eugénie Lescouezec et de leur fille Jeanne. Il en profite pour se marier le 5 août à Cardiff (attention : wikipedia à la suite de François Daulte, indique qu’il s’était marié en 1866, nous avons, avec d’autres, corrigé ces éléments). Ces quatre mois sont un répit avant la fin. Sa femme décèdera d’un cancer le 8 octobre 1898 et il la suit le 29 janvier 1899.

Ses lettres montrent que pendant son séjour il n’avait rien perdu de son enthousiasme devant le « motif ». Il cherche toujours à étudier les effets de la lumière entre le sable et l’eau, et, sur ce tableau, les effets de la lumière du soleil rasant le soir. Les tons pastel évoquent des moments de grande sérénité.

Lorsqu’il expose ses toiles du Pays de Galles à la fin 1897, la presse en parle… enfin, pourrions-nous dire ! Nous avons retrouvé cet article, et les tableaux qui à l’époque étaient évoqués, sans être illustrés.

Ainsi le commentaire de notre tableau du jour (par un journaliste et critique resté inconnu), le troisième parmi les œuvres exposées, était le suivant.

« Je ne peux quitter cette falaise de Penarth, étudiée sous ses aspects les plus variés avec un souci aussi scrupuleux des spectacles de la nature, sans arrêter le lecteur à la troisième toile la représentant au soleil couchant. L’air est maintenant lavé et limpide : le soleil a brillé tout le jour ; le soir venu, son grand disque d’or a disparu derrière l’horizon en ne laissant sur l’eau somnolante et dans le ciel qu’un ton rose, assez vif, mais bien près de s’abolir dans l’ombre vespérale où les phares de la côte s’allument. La grève s’assombrit et déjà la falaise où la nuit va descendre se prépare au sommeil. Ainsi est, pour la troisième fois, représentée cette attirante falaise de Penarth.

Aucune description ne saurait donner l’idée de la façon dont ce peintre a exprimé les trois aspects si différents de ce même paysage. …/… Seul, il possède ce grand et tout premier art de donner un intérêt à des épisodes si disparates de la vie même des choses. Ne serait-ce pas une coquetterie d’artiste de laisser au spectateur peu fortuné le regret de ne pouvoir acquérir toute la collection d’un paysage surpris dans trois atmosphères si différentes ? »

En cette année 97, quelques centaines de francs suffisaient pour acheter un Sisley. 14 ans plus tard, l’Inondation à Port-Marly atteignait 43 000 francs à la vente Camondo. Mais Sisley n’en a jamais profité.

Les 200 autres tableaux de Sisley sont à retrouver ICI.

16/01/2016

Photo Courtesy The Athenaeum, roscdad.

Le Jardin de M. Hoschedé à Montgeron, Alfred Sisley

Sisley Le Jardin de M. Hoschedé à Montgeron

Le Jardin de M. Hoschedé à Montgeron, 1881, h.s.t., 56 x 74 cm, Alfred Sisley, musée Pouchkine, Moscou

Aux débuts de l’impressionnisme

Tout commence vers 1870. Ernest Hoschedé (1837-1891) a épousé Alice Raingo (1844-1911) en 1863. Alice reçoit en héritage le château de Rottembourg à Montgeron (91) dans lequel les Hoschedé s’installent en 1869.

Ernest est un homme d’affaires, propriétaire d’un magasin de lingerie à Paris, le « Gagne-Petit ». C’est l’époque des grands magasins et du Bonheur des dames de Zola. Mais Ernest est aussi passionné d’art et flambeur. En mars 1870, pour une réception au château, il loue un train qu’il fait arrêter devant le parc du château, pour que les invités n’aient pas à marcher depuis la gare.

« Chéri, s’il te plaît, gare le train à l’entrée du jardin ! ». On imagine bien la scène.

Mais la guerre arrive bientôt. Les Hoschedé fuient devant l’arrivée des Prussiens puis reviennent en mars 1871. Ernest est féru de peinture moderne. En 1874, il est le premier acquéreur de Impression, soleil levant d’un certain Claude Monet (pour 800 francs).

Quand l’homme d’affaires joue les mécènes

Pour décorer les grandes pièces de son château, il a l’idée d’inviter les artistes qu’il admire au château pour quelque temps, afin qu’ils réalisent des tableaux sur place. .

Les premiers à venir en juin 1876 sont Édouard et Suzanne Manet qui restent 2 semaines. Puis c’est au tour d’Alfred et Marie-Eugénie Sisley en juillet. Puis Claude Monet arrive en août. Il restera là jusqu’en décembre.

Mais Ernest fait bientôt faillite et il perd tout : son château, ses tableaux et même… sa femme et ses enfants qui partent vivre avec et chez Claude Monet à Vétheuil. Alice deviendra ensuite la seconde madame Monet. Lors de la vente finale à Drouot en mai 1878, plus de 130 tableaux sont vendus et Impression, Soleil levant est adjugé dans l’indifférence générale au prix ridicule de 210 francs. Parmi les toiles, 13 Sisley, 16 Monet, 5 Manet, etc.

Un tableau énigmatique

Notre tableau du jour est présenté en 1881. On peut penser qu’Alfred Sisley l’avait commencé en 1876, puis mis de côté et l’a repris en cette année-là avant de le signer et de l’exposer. Il a d’abord appartenu au baryton J.B. Faure (qui avait été le mécène de Sisley en 1874 pour son voyage en Angleterre). Puis Durand-Ruel l’acheta en 1900 et le vendit en 1904 pour la modique somme de 40 000 francs au grand collectionneur russe Ivan Morozov, qui faisait ses achats de tableaux à Paris très souvent. Ce prix modique représentait déjà une multiplication par 200 par rapport aux prix de Sisley juste avant sa mort (environ 200 francs) en 1899, 5 ans avant. .

Mais la collection Morozov fut ensuite nationalisée (confisquée) par les Soviets en 1917 et le tableau de Sisley s’est ainsi retrouvé au musée Pouchkine, une histoire folle qui justifierait à elle-seule plusieurs publications.

Toutes ces aventures ne doivent pas vous empêcher d’apprécier ces harmonies de verdure, peintes depuis le fond du parc.

25/11/2015

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Le Pont à Villeneuve-la-Garenne, Alfred Sisley

25092015_Sisley_PontVilleneuve

Le Pont à Villeneuve-la-Garenne, 1872, hst, 49,5 x 65,4 cm, Alfred Sisley, Metropolitan Museum of Art, New York

Saga Hebdo 1/2

Nous sommes en 1872. La vie de Sisley a basculé l’année précédente. Citons Duret, l’historien des impressionnistes : « Pendant la guerre, son père tombé malade et incapable de surmonter la crise survenue dans ses affaires, subit des pertes, qui amenèrent sa ruine et, peu de temps après, sa mort. Alfred Sisley, qui jusque-là avait vécu comme le fils d’une famille riche, se trouva tout à coup sans autres ressources que celles qu’il pourra tirer de son talent de peintre. Après 1870. il se donne donc tout entier à la peinture, à laquelle il lui faut désormais demander ses moyens d’existence pour lui et sa famille, car il est marié et a des enfants. À ce moment son ami Claude Monet avait, sous l’influence de Manet, adopté et développé le système des tons clairs et l’appliquait à la peinture du paysage, directement devant la nature. Sisley s’approprie lui-même cette technique ; il peint en plein air, dans la gamme claire. On voit ainsi l’influence qu’exercent les uns sur les autres, au point de départ, des artistes en éveil, Manet sur Monet et Monet sur Sisley. ».

Au printemps 1872, Sisley chercha d’abord un peu de réconfort auprès de son ami Monet à Argenteuil puis il alla passer l’été à Villeneuve-la-Garenne. Notre tableau du jour sera vendu à Durand-Ruel dès le 24 août 1872 pour 200 francs. Celui-ci le revendra 360 francs à Jean-Baptiste Faure, en avril 1873. « Jean-Baptiste Faure (1830-1914), célèbre chanteur de l’Opéra de Paris, collectionnait les œuvres de Sisley. » Il deviendra ensuite son mécène en lui proposant de payer son séjour à Londres entre juillet et octobre 1874.

Le pont est ici symbole de la modernité. Il a été construit en 1844, pour relier Villeneuve-la-Garenne à Saint-Denis, avec une structure et un tablier en fer. Des canotiers, le loisir à la mode, flânent sur la rivière et sur la rive. Le cadrage qui raccourcit la perspective, est ici très innovant, de même que la touche des couleurs sur l’eau, qui suscitera des railleries lors des expositions à venir.

25/09/2015

Photo VisiMuZ