Terrasse de la maison de campagne à Saint-Germain, August Macke

Terrasse de la maison de campagne à Saint-Germain August Macke

Saga Hebdo 2/2

Terrasse de la maison de campagne à Saint-Germain, 1914, August Macke, LWL-Museum für Kunst und Kultur, Münster.

Dans un premier temps, ce sont les couleurs qui frappent dans cette aquarelle très certainement réalisée sur place, c’est-à-dire dans la maison de Saint-Germain dont nous avons parlé hier.

Mais on doit souligner l’importance des recherches formelles étudiées par Macke et ses amis à cette époque. Déjà Cézanne puis les Nabis avaient mis à mal la perspective classique et le cubisme va naître une dizaine d’années avant ce voyage. En 1907 paraît en Allemagne un livre de Wlilhelm Worringer (Abstraktion und Einfühlung) « Einfühlung » peut se traduire incomplètement par « empathie esthétique » ou « identification » dans laquelle l’artiste est confronté à la recherche de l’illusion de la profondeur et de l’espace. Celle-ci a été initiée dans la peinture des Grecs, reprise par les Italiens de la Renaissance puis développée dans toute la peinture européenne. Worringer présente l’Abstraction et l’Einfühlung comme les deux pôles de la création, opposant les conceptions arabo-musulmanes de l’art décoratif avec celles de l’Europe.
Notre tableau du jour est encore inspiré de l’idéal de la Renaissance. Macke utilise des lignes de fuite pour suggérer la profondeur, mais comme Klee hier, il utilise des formes géométriques simples (triangles, carrés, rectangles) pour bâtir son paysage. Macke est venu en Tunisie pour la couleur mais aussi pour tenter une synthèse entre les univers picturaux de l’Occident et de l’Orient.
En 1912 déjà, dans l’almanach du « Blaue Reiter » il avait écrit : « Le croisement de deux styles donne un troisième style nouveau… l’Europe et l’Orient ».

Pour finir, nous savons par le Journal qu’a tenu Paul Klee de cette période, que Macke et Moilliet étaient en permanence en train de plaisanter, et que Klee se sentait un peu mal à l’aise dans cette ambiance de calembours et d’humour potache, au sein de laquelle il avait de la peine à se situer.

Macke était grand, fort, souvent jovial, et sa peinture respire cette joie de vivre, qui le rend encore aujourd’hui vecteur de petits moments de bonheur pour le spectateur.

03/10/2015

Dim : 22,7 x 28,7 cm
Photo Wikimedia commons August_Macke_048.jpg Usr Eloquence

Saint-Germain près de Tunis, Paul Klee

Saint-Germain près de Tunis, Paul Klee

Saga hebdo 1/2

Saint-Germain près de Tunis, avril 1914, Paul Klee, collection particulière.

En 1914, Paul Klee partit avec ses amis August Macke et Charles Moilliet en Tunisie, du 7 au 19 avril. Ils y avaient été invités par un ami de Moilliet, le docteur Ernst Jäggi (1878-1941). Ils se retrouvèrent d’abord chez Moilliet au lac de Thoune, et grâce à ce dernier, Klee put vendre 8 aquarelles au pharmacien bernois Charles Bornand afin de financer son voyage. Leur but, qui avait été aussi celui de Delacroix (au Maroc), de Monet (Algérie, même si son voyage était dû à l’armée française), Renoir (Algérie) ou Matisse (Algérie, Maroc), était de mieux appréhender la couleur. Et le voyage fut à cet égard couronné de succès. Paul Klee écrivit dans son journal lors de leur visite de Kairouan : « La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède. Voilà le sens de ce moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre ».

Le docteur Jäggi possédait une maison de campagne à Saint-Germain, à cette époque un quartier européen au sud de Tunis, créé en 1909 et aujourd’hui appelé Ezzahra. Klee et Macke peignirent énormément. Ils avaient rencontré Robert Delaunay deux ans auparavant et avaient étudié ses théories sur la couleur (les couleurs remplacent les objets…). Leur expérience tunisienne leur permit de tester une manière nouvelle pour eux. Pour obtenir la nuance désirée, Klee utilisait des couleurs transparentes qu’il superposait.

Notre aquarelle du jour montre la tendance de Klee à l’abstraction. La peinture est composée d’éléments, comme des notes sur une portée musicale. Ici ces éléments se juxtaposent, se croisent, s’interpénètrent, se mélangent pour finalement composer un paysage.

02/10/2015

Dim : 18,5 x 24 cm
Photo courtesy www.pubhist.com