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Bonaparte au pont d’Arcole. L’ennemi de la Russie en vedette à Saint-Pétersbourg ?

Bonaparte au pont d’Arcole est un tableau que tous les écoliers français connaissent. Au-delà de ses qualités artistiques, il a été l’un des symboles utilisés pour former à l’Histoire de France des générations de jeunes Français. Comme toutes les icônes, il est même souvent devenu inutile d’en citer l’auteur (Antoine-Jean Gros dit le baron Gros). Ce tableau fait partie du « roman national » et lorsqu’on arrive au 2e étage du musée de l’Ermitage, on reçoit un grand choc. D’où vient ce tableau, qu’on croyait à Versailles ?
Ce que nous vous proposons ici est une mise en application de notre dernier billet (Quel regardeur êtes-vous ?), déclinée selon l’approche présentée sur le blog et mise en œuvre dans les guides VisiMuZ, du tableau lui-même jusqu’à la saga qui lui est associée. Bien évidemment, comme notre propos ci-après se veut didactique, ce que nous décrivons ici l’est de façon très détaillée, et la synthèse que nous vous proposons dans les guides VisiMuZ est beaucoup plus succincte. Toutefois, l’approche est identique, il s’agit dans un premier temps d’apporter des informations au visiteur mais surtout de lui ouvrir des portes, des pistes, des objets d’intérêt qu’il pourra approfondir à loisir s’il le désire.

Napoleon_Bonaparte_au_Pont_dArcole_Ermitage
Version du musée de l’Ermitage – Saint-Pétersbourg

Regardons le tableau de l’Ermitage, en commençant par les trois niveaux de Panofsky, et en poursuivant par ceux présentés dans notre article précédent.

1) Ce qu’on voit :

Un militaire, un sabre à la main droite, un drapeau dans la main gauche. Il porte un uniforme de général des armées de la République dans les années 1790.

2) Iconographie

En s’approchant, on peut lire sur la lame du sabre « Bonaparte, Armée d’Italie » et son ceinturon porte sur le devant une plaque à ses initiales. Le titre du tableau confirme la légende d’un général en chef à la tête de ses hommes sur le pont d’Arcole. La bataille eut lieu les 15, 16, 17 novembre 1796.

3) Iconologie

Au-delà des symboles de sa fonction, le drapeau montre au-dessus de la tête du général la couronne de feuilles de chêne, symboles de la victoire et de la sagesse ainsi que le faisceau des licteurs romains, c’est-à-dire le symbole de l’imperium, le pouvoir de contraindre des magistrats. Le général a la tête tournée vers l’arrière, avec toute l’énergie possible exprimée dans son visage, visant à entraîner ses hommes (et au-delà la France et les Français ?). Pour reprendre la classification de Félibien, ce n’est plus seulement le portrait d’un homme, mais un moment d’histoire, à la limite de l’allégorie.

4) Esthétique de l’œuvre

En sus des détails vestimentaires décrits plus haut, de la grande maîtrise également de la réalisation de la ceinture et du fourreau, on est frappé par le contraste entre l’uniforme, c’est-à-dire la fonction et le visage de l’homme d’une part, et d’autre part entre le dessin précis du personnage au premier plan et le décor en arrière-plan tout de fumée et de boulets de canon.

5) La place dans le corpus de l’artiste

Antoine-Jean Gros a été appelé à Milan par Joséphine. Elle a réussi à faire poser son mari pour l’artiste, dans une esquisse approuvée par le jeune général et maintenant au Louvre (ici). Le peintre dans ce tableau annonce déjà toute l’énergie du romantisme, qui s’épanouira trente ans plus tard.
Antoine-Jean Gros a expliqué dans une lettre à sa mère : « Je viens de commencer le portrait du général, mais on ne peut pas donner le nom de séance au peu de moments qu’il m’accorde. Il faut que je me résigne à ne peindre que le caractère de sa physionomie, et après cela y donner de mon mieux la tournure d’un portrait ».
Après le retour de Joséphine à Milan le 29 novembre 1796, Gros obtient une dernière séance de pose le 30 novembre. Joséphine réussit à rendre son époux immobile en le gardant sur ses genoux (anecdote rapportée par Justin Tripier-Lefranc en 1880, dans sa monographie sur le baron Gros). L’œuvre est reprise à Paris pour créer la version originale. Celle-ci a été léguée à la France par l’impératrice Eugénie en 1879 et se trouve maintenant à Versailles.

6) Sa place dans l’époque et dans l’histoire

Antoine-Jean_Gros_Bonaparte_on_the_Bridge_at_Arcole_VersaillesNapoleon_Bonaparte_au_Pont_dArcole_Ermitage

À gauche l’original à Versailles, à droite la réplique pour le prince Eugène à l’Ermitage

En commandant cette toile, le dessein de Joséphine était clairement politique. Ce tableau véhicule une image destinée à renforcer le prestige et la renommée de son époux. On l’a oublié mais le premier mari de Joséphine avait été aussi général en chef (de l’armée du Rhin), avant d’être guillotiné par la Convention. Joséphine a donc une revanche à prendre, et on dirait aujourd’hui qu’elle fait la promotion de son second mari.
Le tableau de l’Ermitage est une des deux répliques que Joséphine a demandées à Antoine-Jean Gros quelques mois plus tard (en 1797) pour les transmettre à ses enfants, Hortense, future épouse de Louis Bonaparte, et Eugène, futur vice-roi d’Italie. On remarquera que le drapeau est moins travaillé sur les deux répliques que sur l’original de Versailles.
La version de la reine Hortense se trouve au château d’Arenenberg (Bonaparte au Pont d’Arcole – Gros – Arenenberg ici), qui accueillit l’exil de la reine Hortense de 1817 à 1837, et où le futur Napoléon III a grandi.
La version de l’Ermitage est celle qui appartenait au prince Eugène. Eugène a épousé Augusta de Bavière en 1805, et devient après la chute de l’Empereur, duc de Leuchtenberg. Il meurt à Munich en 1824, ayant utilisé son entregent pour allier ses enfants aux grandes familles européennes. Il est ainsi l’ancêtre des dynasties des actuels rois de Norvège, de Suède, de Danemark, de Belgique, du grand-duc de Luxembourg ou encore de la famille royale de Grèce.

7) La saga de l’œuvre

Maximilien (1817-1852) est le deuxième fils d’Eugène. Il tombe amoureux de Maria Nikolaïevna de Russie (1819-1876), fille du tsar Nicolas Ier de Russie (1796-1855) et l’épouse. Il est l’héritier du tableau de Gros et l’emporte avec lui à Saint-Pétersbourg, où il vit désormais. Président de l’Académie Impériale des Beaux-Arts, botaniste réputé et membre de l’Académie des Sciences, il meurt prématurément en 1852. Le tableau rejoint les collections impériales puis ensuite celle du musée de l’Ermitage.

La nature de toutes ces informations donne au tableau une autre dimension. L’œuvre n’est plus seulement picturale, elle devient historique, politique, épique, fascinante, et même, en risquant un anachronisme évident, nous présente un côté people. Mais c’est le privilège des chefs d’œuvre de nous présenter de multiples facettes. Et c’est notre vocation chez VisiMuZ de vous les dévoiler si vous ne les connaissez pas déjà.

Crédits photographiques
Ermitage : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gros_Antoine-Jean_-_Napoleon_Bonaparte_on_the_Bridge_at_Arcole_%28cropped%29.jpg User : Olpl Licence : CC-PD-Mark
Versailles : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:1801_Antoine-Jean_Gros_-_Bonaparte_on_the_Bridge_at_Arcole.jpg User : Hohum Licence PD-Art (PD-old-100-1923)