La Jeune femme à la rose (Marguerite), Amedeo Modigliani

La Jeune Fille à la rose (Marguerite), Amedeo Modigliani

La Jeune femme à la rose (Marguerite), 1916, huile sur toile, 65,1 x 46 cm, Amedeo Modigliani, vente Christie’s New York, 12 mai 2016.

1916, une année charnière pour Modigliani. C’est l’année de la rupture avec Béatrice. Mais aussi, après quinze mois de guerre, le marché de l’art reprend de la vigueur. Des expositions s’organisent. Paul Guillaume a envoyé, dès la fin de 1915, 24 œuvres de Modigliani à New York. En mars 1916, chez Germaine Bogard, la sœur du couturier Paul Poiret, sont exposés des dessins de Modigliani, aux côtés des œuvres de Picasso, Léger, Derain ou Matisse. En juin 1916, Modigliani est exposé à Zürich, aux côtés de Picasso et Jean Arp. En juillet, c’est à Paris le salon d’Antin, organisé par André Salmon. Pour toutes ces expositions, il fallait réaliser des tableaux autres que ceux de commande. C’est là qu’intervenaient les modèles professionnels.

Modigliani a réalisé trois portraits de cette jeune femme, et écrit son prénom sur l’un des portraits. Dans le passé, le nom de la sœur de Modigliani (qui s’appelait aussi Margherita) avait été évoqué pour l’identité du modèle. Mais cela ne tenait pas vraiment la route, puisque le dernier voyage de Modigliani à Livourne datait de 1913. De plus, Jeanne Modigliani, élevée ensuite par Margherita après la mort de ses parents, nous a appris que les liens entre le frère et la sœur étaient assez lâches, au moins sur le plan artistique. Enfin, la période à laquelle ce tableau a été réalisé fait pencher également pour un modèle professionnel.

Le 113, boulevard du Montparnasse se situe au croisement avec le boulevard Raspail. Jusqu’en 1914, se tenait là, tous les lundis matin, le marché aux modèles. Les artistes venaient choisir, prendre rendez-vous pour les séances de pose, organiser leur planning. Pour les mêmes raisons historiques qui ont fait que les marchands de vin et charbon étaient auvergnats, les commissionnaires de Drouot savoyards, les modèles féminins étaient en majorité italiennes, ce qui n’était pas pour déplaire à Modigliani. Le « marché » avait été suspendu du fait de la guerre, mais la population de modèles était restée dans le quartier qui leur assurait leur subsistance.

Le style de Modigliani à cette période est en train d’évoluer vers ce qui a été ensuite sa « marque de fabrique ». Un visage stylisé et un cou allongé, des yeux en amande, un nez inspiré par le cubisme. La rose introduit un contraste de couleur dans ce portrait aux tonalités sombres, très évocateur des sculptures de Modigliani de 1912-1913.

Le tableau a aussi fait la une de l’actualité cette semaine. Il a été vendu 12,765 millions de dollars le 12 mai chez Christie’s à New York.

Un portrait à retrouver avec les deux autres de Margherita dans le tome 1 de la biographie de Modigliani, chez VisiMuZ. Nous travaillons sur le tome 2 qui sera là pour les vacances.

18/05/2016

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Portrait de Jean Cocteau, Amedeo Modigliani

Portrait de Jean Cocteau - Amedeo Modigliani

Portrait de Jean Cocteau, 1916, hst, 100 x 81 cm, Amedeo Modigliani, collection Pearlman, Princeton University Art Museum, Princeton (NJ), catalogue Ceroni 106.

De retour du front et en permission au début avril 1916, Cocteau avait demandé son portrait à la fois à Kisling et à Modigliani pour se mettre en valeur sur la scène parisienne. Il s’est habillé de façon élégante (costume, pochette, col dur et nœud papillon). Les deux portraits ont été réalisés lors des mêmes séances de pose, dans l’atelier de Kisling, 3, rue Joseph-Bara, le modèle étant assis dans un fauteuil à haut dossier.

Blaise Cendrars et Pierre Reverdy étaient présents. Reverdy précisa qu’il avait rencontré Cocteau ce jour-là pour la première fois. Le portrait de Modigliani met en évidence la fatuité du modèle. Cocteau, comme Gertrude Stein quand Picasso a réalisé son portrait, déclara qu’il était peu ressemblant, vexé par la bosse de son nez et son attitude hautaine.

Pour la suite, c’est Cocteau qui raconte : « Modigliani voulait me le donner. Je ne voulais pas qu’il me le donne. Je dis “si tu ne veux pas me le vendre”, et il me l’a vendu cent sous – cinq francs. Mais je n’avais pas de quoi prendre le fiacre ouvert qui permettait d’emporter cette grande toile. Alors elle est restée assez longtemps chez Kisling. Kisling devait onze francs au propriétaire de La Rotonde, il lui a demandé si à la place de ses onze francs, il voulait accepter mon portrait. Il a accepté mon portrait : le portrait est resté longtemps sur des banquettes de La Rotonde ».

Retrouvez Cocteau et Modigliani avec Raymond Radiguet et Béatrice Hastings dans la monographie de Modigliani chez VisiMuZ. Quelle époque épique !

15/03/2016

Photo Courtesy wikiart.org

Jeanne Hébuterne, Amedeo Modigliani

Jeanne Hébuterne, Amedeo Modigliani

Jeanne Hébuterne, 1919, hst, 91,4 x 73 cm, Amedeo Modigliani, Metropolitan Museum of Art, New York, catalogue Ceroni n° 326.

Nous sommes en mars 1917. Sur le front, la guerre s’enlise au fond de tranchées boueuses, mais à Paris, on fête le carnaval. Après avoir habité à Montparnasse, Amedeo vit maintenant à Montmartre (place Émile-Goudeau) et s’est costumé pour la fête en Pierrot. Ce soir-là une amie sculptrice, Chana Orloff, présente à Amedeo une amie à elle, une très jeune femme – elle a 19 ans – costumée. Elle porte un poncho et des bottes. Elle a dessiné, peint et cousu son déguisement elle-même.

Elle s’appelle Jeanne Hébuterne et est étudiante à l’académie Colarossi dans le 6e arrondissement, là même où Modi s’était inscrit à son arrivée à Paris en 1906. La beauté de Jeanne ne passe pas inaperçue. Son teint très pâle, contrastant avec sa chevelure auburn, lui a valu le surnom de « Noix-de-coco ».

C’est le coup de foudre, la nuit est longue et ils décident très vite de vivre ensemble. Modi va alors changer de rive, quitter Montmartre et retourner à Montparnasse. Ils emménagent au 8, rue de la Grande Chaumière (l’académie Colarossi est au 10, dans la même rue). Modi a rencontré l’amour fou mais sa santé ne s’améliore pas. La tuberculose s’est déclarée et le médecin va l’envoyer dans le midi au début de 1918. Une petite Jeanne (1918-1984) naîtra le 29 novembre 1918 à Nice

Le peintre rentre à Paris le 31 mai 1919. Les deux Jeanne le rejoindront en juin. Modigliani a son atelier rue de la Grande Chaumière. Tout près se trouvent son marchand Léopold Zborowski et son ami Moïse Kisling (rue Joseph-Bara).

À son retour à Paris , il reste à Modi un peu plus de sept mois à vivre pendant lesquels il va peindre une quarantaine de toiles. Il se restreint alors aux gens qu’il aime et à ses amis : Léopold Zborowski (2 fois) et sa femme Hanka Zborowska (4 fois), leur amie Lunia Czechowska (6 fois), sa petite voisine Paulette Jourdain (1 fois), et puis Jeanne, encore et toujours.

En juillet, il signe devant témoin une promesse de mariage, qu’il n’aura pas le temps et le loisir d’honorer.

« Je m’engage aujourd’hui, 7 juillet 1919, à épouser Mademoiselle Jeanne Hébuterne, aussitôt les papiers arrivés. ».
Signé : Amédée Modigliani, Léopold Zborowski, Jeanne Hébuterne, Lunia Czechowska.
Daté : 7 juillet 1919

Pendant ces quelques mois, Modi va réaliser au moins 12 portraits de Jeanne dont notre tableau du jour. Sa blouse évasée cache un petit ventre arrondi. Jeanne est alors enceinte de leur 2e enfant. Sa vie s’arrêtera juste après celle de Modigliani, le 25 janvier 1920. Elle avait 21 ans.

Jeanne n’était pas que « la femme de ». Elle était une artiste en devenir et il nous reste une douzaine d’œuvres de sa main dont cet autoportrait. Sa dernière localisation connue était la collection Oscar Ghez (musée du Petit-Palais, Genève, fermé).

Autoportrait, Jeanne Hébuterne

Autoportrait, ca 1916-1917, huile sur carton, 50 x 33,5 cm, Jeanne Hébuterne.

Signalons pour finir qu’une exposition « Amedeo Modigliani, l’œil intérieur » aura lieu bientôt à partir du 27 février 2016, au LAM à Villeneuve d’Asq.

08/01/2016

Photo 1 VisiMuZ
Photo 2 wikimedia commons File:Jeanne_Hébuterne_-_Autoportrait.jpg

Amedeo Modigliani, Nu couché les bras ouverts

Amedeo Modigliani, Nu couché, les bras ouverts

Nu couché, les bras ouverts ou Nu rouge, 1917, ex-collection Gianni Mattioli, Milan, catalogue Ceroni n° 198.

Il s’agit d’une toile de dimensions somme toutes assez modestes : 60 × 91,5 cm, qui vient de défrayer la chronique. Le 9 novembre 2015 au soir à New York, Christie’s a mis aux enchères ce nu pour une estimation de 100 millions de dollars. Il provient de la collection de la famille Mattioli à Milan. Gianni Mattioli l’avait acquis en 1949 et il est resté ensuite chez ses descendants jusqu’à ce jour.

Avec un prix de 170,4 millions de dollars (auxquels il faut ajouter les frais, pour un total de 179,4 millions de dollars), il devient la 2e œuvre d’art la plus chère du monde adjugée en vente publique.

Il fait partie de la série de nus réalisée en 1917 et exposée brièvement à la galerie Berthe Weill en décembre 1917.

Berthe Weill (1865-1951) était « une minuscule créature à binocles et chignon gris jaune », nous dit le poète André Salmon. En 1917, elle se met d’accord avec Léopold Zborowski pour organiser la première exposition personnelle et exclusive de Modigliani. Le vernissage est fixé au 3 décembre.

Cette année-là, Modigliani a réalisé la plupart de ses nus (environ 20 sur les 30 nus de son œuvre). Il a rencontré Jeanne Hébuterne en avril 1917, s’est installé avec elle en juillet rue de la Grande-Chaumière. Zborowski était inquiet. La production d’Amedeo s’en ressentait. Allait-il être prêt pour l’exposition ? Fin novembre, 30 toiles étaient prêtes, dont 15 nus.

Le catalogue est précédé d’un texte du poète Blaise Cendrars.

Sur un portrait de Modigliani.

Le monde intérieur.

Le cœur humain avec ses dix-sept mouvements de l’esprit.

Le va-et-vient de la passion.

Selon Christian Parisot, le dessin qui se trouvait sur l’affiche d’annonce de l’exposition chez Berthe Weill est un portrait de Jeanne Hébuterne.

exposition berthe weill modigliani 1917

Berthe a mis deux nus en vitrine un peu avant l’ouverture de l’exposition. Ils ont été vus par quelques badauds, dont le commissaire de police du quartier. Quand le vernissage débute, tous les amis du peintre sont là. Mais, soudain, c’est le tohu-bohu. Une foule vocifère devant la vitrine. Puis deux gendarmes entrent dans la galerie et demandent à parler au propriétaire. Ils annoncent que la préfecture de police ordonne la fermeture immédiate de l’exposition et la saisie des nus pour « intolérables outrages aux mœurs » (André Salmon). Berthe Weill est emmenée aux commissariat. Les scellés sont posés sur la porte. L’exposition n’aura duré que trois heures.

Il est vraisemblable que la manière du peintre soit à l’origine de cette condamnation. En coupant les bras et les jambes de ses modèles, il focalisait l’attention sur le torse, et le rendait ainsi pornographique aux yeux d’un public ignorant.

Peu de temps après l’évènement, l’écrivain et poète Francis Carco (1886-1958) publie une tribune et apostrophe les lecteurs :

« Lors d’une récente exposition de Modigliani, les portraits, autant que les nus, qu’il a jetés tout à trac sur des draps de hasard, suffisent à ennoblir son art. Si celui-ci vous blesse par son cynisme et l’emploi d’une palette qu’il résume à deux ou trois tons aveuglément choyés ; s’il déforme par souci d’atteindre à la définition de la grâce ; s’il immole pour créer et si rien ne l’intéresse que la nuance, après le rythme ou cette secrète architecture du mouvement qui déplace les lignes, n’êtes-vous point choqués de votre lenteur à saisir les rapports subtils de la sensibilité de ce peintre avec l’objet même de son culte ? »

Après la mort du peintre en janvier 1920, Francis Carco va publier en 1924 Le Nu dans la peinture moderne. Il écrit alors :

« Ce qui distingue Modigliani des autres maîtres du nu, c’est qu’il n’a pas de “manière” déterminée pour peindre la chair. Au roulis des formes, aux gammes de chaleur et de sang, on reconnaît un Rubens ; un Renoir, à la nourriture colorée de l’épiderme. Seul le style d’ensemble annonce Modigliani. …/… Il est impossible, lorsqu’on a pu longuement admirer une figure nue de Modigliani, de regarder sans rire les académies scolaires poncées et froides – voire quelques toiles de musée qu’il est encore de bon ton de louer : les corps en baudruche, le seins en pièces montées, les fesses en gelée tremblante. Car dans les tièdes buées de son œuvre, l’artiste a fait palpiter toutes les ivresses des mystères, les saveurs, les frissons, les moiteurs, les ondulations. Un souffle s’exhale de ses nus, le souffle même de la vie. »

Notre tableau, objet de la bataille d’enchères du 9 novembre 2015, a été récupéré en 1917 par Zborowski, puis vendu au collectionneur Jonas Netter. Il est parti ensuite en Italie le 2 octobre 1928 chez Riccardo and Cesarina Gualino à Turin, est resté en Italie chez différents collectionneurs avant de rejoindre la collection Mattioli en 1949.

Au-delà de sa beauté et de son charme, la toile réunissait tous les ingrédients d’un record. Elle est née avec un parfum de scandale (rapporté ci-dessus), est restée dans la même collection depuis 66 ans, et a été réalisée par un peintre qui n’a produit dans sa courte vie que 340 tableaux environ.

Les journalistes nous apprennent que le tableau aurait été acquis, après une bataille d’enchères de 9 minutes, par un homme d’affaires et milliardaire chinois, Liu Yiqian, né en 1963, président de la société d’investissement Sunline.

10/11/2015

• article de presse sur la vente du 9 novembre, voir par exemple ici
Retrouvez tous les livres numériques enrichis de VisiMuZ, les anecdotes, les reproductions de tableaux : ICI

Photos wikimedia commons
affiche File:Amedeo-Modigliani-berthe-weill-first-oneman-exhibition-nudes-1917-paris.jpg Usr AxelHH
tableau File:Amedeo_Modigliani_012.jpg Usr Eloquence

Tête de femme (au chignon), Amedeo Modigliani

Tête de femme (au chignon) Amedeo Modigliani

Tête de femme (au chignon), 1911-1912, Amedeo Modigliani, collection Merzbacher, Zürich

On connaît mieux le Modigliani peintre que le sculpteur. Et pourtant ! Que serait-il advenu de son œuvre si sa santé délicate ne lui avait interdit de continuer à sculpter ? En effet, sa tuberculose, jamais réellement soignée, s’aggravait avec la poussière de la pierre qu’il était amené à respirer. Mais revenons au début.

En 1909, Modi a passé l’été à Livourne avec Brancusi. Il l’a emmené à Carrare voir la taille du marbre. Des témoins de l’époque auraient aussi vu Modigliani jeter une nuit des sculptures dans le canal des Hollandais à Livourne.

À son retour à Paris, Amedeo ne veut être rien d’autre qu’un sculpteur. L’année suivante, il trouve un atelier de sculpteur à Montparnasse à « La Ruche ».
Adolphe Basler (1878-1949) était un écrivain et critique d’art franco-polonais, qui a fréquenté Amedeo dès 1909. Son Modigliani paraît en 1931 à Paris, il y raconte les débuts parisiens de l’artiste [N.B. : nous avons respecté le texte originel].

« La sculpture nègre le hantait et l’art de Picasso le tourmentait. C’était le moment où le sculpteur polonais Nadelmann[*] exposait ses oeuvres à la galerie Druet[**]. Le principe de la décomposition sphérique dans les dessins et les sculptures de Nadelmann précéda, en effet, les recherches ultérieures de Picasso cubiste. Les premières sculptures de Nadelmann, qui émerveillaient Modigliani, furent pour lui un stimulant. Sa curiosité vers les formes créées par les Grecs archaïques et vers la sculpture khmère, que l’on commençait à connaître dans le milieu des peintres et des sculpteurs ; et il s’assimila beaucoup de choses, tout en réservant son admiration à l’art raffiné de l’Extrême-Orient et aux proportions simplifiées dans les sculptures nègres.

Pendant plusieurs années, Modigliani ne fit que dessiner, tracer des arabesques rondes et souples, rehausser à peine d’un ton rosé les contours élégants de ces nombreuses cariatides, qu’il se promettait toujours d’exécuter en pierre. Et il acquit un dessin très sûr, très mélodieux, en même temps d’un accent personnel, d’un grand charme, sensible et plein de fraîcheur. Puis, un jour, il se mit directement dans la pierre figures et têtes. Il ne tint le ciseau que jusqu’à la guerre, mais les quelques sculptures qui restent de lui laissent entrevoir plus qu’un soupçon de ses grandes aspirations. Il affectionnait les formes sobres, mais non pas tout à fait abstraites dans leur concision schématique.

L’époque où Modigliani suivit sa vocation de sculpteur fut une époque heureuse pour lui. Son frère, en lui accordant quelques subsides, lui permit de travailler tranquillement. S’il buvait et tombait souvent dans des états inquiétants, la chose demeurait sans conséquence.
Il se remettait vite au travail, car il aimait son métier. La sculpture fut son unique idéal et il fonda sur elle de grands espoirs. Je puis dire que je ne l’ai vraiment apprécié qu’à cette période de sa vie. »

Les sculptures de Modigliani sont donc en nombre très faible (25 numéros). Nous vous laissons apprécier aujourd’hui celle qui est la numéro IX, en grès.

Mais les fantasmes des uns et des autres sur ces sculptures ont aussi créé en 1984 un canular fabuleux. On avait retrouvé les sculptures de Modi en draguant le canal des Hollandais à Livourne. La mystification éclata bientôt et le scandale fut immense (détails sur wikipedia).

[*] Elie Nadelman (1882 Varsovie -1946 Riverdale (NY)), a vécu à Paris de 1904 à 1914 avant d’émigrer aux États-Unis. Longtemps oublié, il a été redécouvert et ses sculptures se trouvent aussi bien au Metropolitan Museum qu’au MoMA à New York. voir wikipedia (en anglais)
[**] 1909.

04/11/2015

Dimensions inconnues, photo VisiMuZ ©

Nu sur un divan (Almaïsa), Amedeo Modigliani

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Saga Hebdo 2/2

Nu sur un divan (Almaïsa), 1916, hst, 81 x 116 cm, Amedeo Modigliani, collection M. et Mme Paul Wurzburger, Cleveland (OH).

Une autre facette, plutôt agréable 🙂 , de notre modèle d’hier.

Ce portrait d’Almaïsa allongée nue sur un divan est le premier des six grands nus que Modi a réalisés au long de l’année 1916, avant les 20 nus de 1917. Modigliani à cette époque est sorti de l’influence du Picasso des Demoiselles d’Avignon et du primitivisme pour entrer dans une période plus réaliste et plus personnelle. Il a abandonné la sculpture et il peint. En cette année 1916, tous ses modèles sont représentés coupés au niveau des tibias. Ils regardent aussi tous le peintre, instaurant par là même ensuite un autre dialogue avec le spectateur. Lors de l’exposition de décembre 1917 chez Berthe Weill, les nus de Modigliani seront saisis par la police pour « outrage à la pudeur ».

Son ami André Salmon écrit : «  Il n’eut point de modèle type. Les femmes de Modigliani ne pourraient être signées d’aucun autre, mais il s’est bien évidemment défendu d’inspirer un type de femme bien propre à s’aller prostituer dans tous les ateliers secondaires. Qu’il peigne le modèle anonyme, la petite bonne de Rosalie, de Zborowski ou de celle de ce marchand de la rive droite enfermant le peintre et son modèle dans un cellier…/.. l’esprit de Modigliani domine.»

Un mot des collectionneurs ! Paul Wurzburger (1904-1974), né à Lyon, arriva à Cleveland en 1941. Le grand public connaît au moins l’une de ses sociétés : Patex. Odette (1909-2006), son épouse, née Valabrègue à Avignon, était une avocate, résistante durant la 2de guerre mondiale, qui rejoignit Cleveland en 1960.

À lundi !

[*] La Vie passionnée de Modigliani, p. 320.

12/09/2015

Photo Wikimedia commons Amedeo_Modigliani_001.jpg Usr Eloquence

Almaïsa, Amedeo Modigliani

Almaïsa - Modigliani

Saga Hebdo 1/2

Almaïsa, 1916, hst, 91,4 x 53,3 cm, Amedeo Modigliani, collection particulière.

Quoi de plus fascinant que la vie de Modigliani ? Ce mélange de culture, de sensibilité, de transgression permanente, dans le Montparnasse de la guerre. En 1916, Modigliani met fin à sa relation tourmentée (et violente) avec Béatrice Hastings. Il va commencer sa série des grands nus, qui le mènera jusqu’à la fin de 1917. Malgré son manque chronique d’argent, il réussit grâce à son charme et sa beauté (son magnétisme, disaient alors les femmes), à faire poser pour lui quelques modèles professionnels. Almaïsa était de ceux-là.

Modi l’a identifiée clairement en haut à droite sur ce tableau. Il semble que son nom signifie en arabe « Celle qui se dandine ». Était-elle danseuse, comme son nom ou surnom peut le laisser supposer ? Était-elle algérienne, comme Modi l’a écrit à son propos d’un autre tableau ? Certains le pensent, d’autres évoquent « L’Italienne à Alger » (1813) de Rossini, et pensent qu’elle était italienne. À cette époque Modi vivait seul (il ne rencontra Jeanne Hébuterne qu’en avril 1917). A-t-elle été pour lui plus qu’un modèle ? Comme cette Germaine, (ou Thérèse, ou Suzanne, les avis divergent) dont André Salmon raconte que Modi lui avait donné un fils non reconnu ? Almaïsa est identifiable avec certitude sur 2 tableaux de Modi (et certains historiens la reconnaissent sur plusieurs autres), mais elle n’apparaît pas chez les autres peintres de cette époque.

En tout cas, le modèle fait aussi rêver (ses yeux en amande, les lèvres ourlées, etc.) et quand ce tableau, qui était dans une collection bâloise, a été mis en vente chez Phillips à New York en 2001, une bataille d’enchères le vit adjugé à 7.1 millions de dollars.

11/09/2015

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Modigliani et l’École de Paris à Martigny

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Tel est le titre de l’exposition-phare de l’été à la fondation Pierre Gianadda à Martigny (Valais suisse) : 80 œuvres prêtées par le centre Pompidou, complétées par des prêts des musées suisses (Fondation Bührle de Zürich, musées de Berne, de Bâle, de Zürich, collections Gianadda, Merzbacher, etc.).
Rappelons que le terme d’École de Paris désigne les peintres ayant travaillé à Paris, au début du XXe siècle, souvent autour de Montparnasse mais aussi à Montmartre. Nombre d’entre eux étaient venus d’Europe centrale ou orientale (Chagall, Soutine, Survage, Pascin, Kars, Reth, Kisling, Zadkine, etc.). Il ne s’agit pas vraiment d’une école. Le terme apparaît en Allemagne avant 1914 en opposition au terme d’expressionisme allemand. Il ne sera utilisé en France qu’à partir du milieu des années 20.

Les toiles sont accrochées sur le pourtour de la salle principale du bâtiment et quelques cloisons annexes, le milieu de la salle étant occupé par les chaises du prochain concert à venir.

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Vue de la seconde partie de l’exposition depuis le bas de l’escalier

Comme pour chaque exposition en ce lieu, il vaut mieux commencer par le fonds à droite, et tourner dans le sens horaire pour suivre une démarche chronologique. Mais dans ce cas précis, les toiles de Modigliani, qui servent de fil rouge, ne sont pas accrochées chronologiquement. Il faut dire que la carrière de l’artiste est très courte, puisque seulement quatorze ans se sont écoulés entre son arrivée à Paris en 1906 et sa mort le 24 janvier 1920 à 35 ans.

L’accrochage commence avec un portrait de Maurice Utrillo en 1910 par André Utter, son copain d’enfance qui deviendra le mari de sa mère Suzanne Valadon, puis des toiles d’Utrillo (1883-1955), un Raoul Dufy (1877-1953) de 1908 et un autre de 1912, et des Modigliani de 1909 à 1915, dont un premier portrait de Béatrice Hastings, sa compagne en 1915-16.
On trouve ensuite pêle-mêle Léopold Survage (1879-1968), le futuriste Gino Severini (1883-1966) et aussi un intéressant tableau d’Alfred Reth (1884-1966) de 1912. Notons au passage qu’Alfred Reth, tombé injustement dans l’oubli, est, avec Georges Kars, un des seuls peintres exposés ici qui soit encore accessible sur le marché de l’art (toiles à partir de 3 000 euros, à comparer par exemple aux 31,4 millions de dollars de Modigliani avec Jeanne Hébuterne devant une porte, 1919 en novembre 2004 à New York ou aux 69 millions de dollars de La Belle Romaine en 2010 toujours à New York – à voir ici).
Il est judicieux, après ce premier côté, de quitter la grande salle et d’aller tout droit vers la collection permanente de Louis et Evelyn Franck, qui reste exposée en même temps que l’exposition temporaire.
En effet, Catherine Grenier, commissaire de l’exposition, a demandé à Antoinette de Wolf-Simonetta d’afficher ici une biographie de Modigliani, qu’il vaut mieux lire avant de continuer la visite, plutôt qu’à la fin de la visite. Notez que cette biographie se trouve aussi dans le petit journal disponible en pile à l’entrée et à la librairie, mais personne ne songe à vous le proposer.
Dans cette salle Franck, se trouvent des photographies (dont le fameux Baiser, célébré par Danièle Thomson dans Fauteuils d’Orchestre) et des sculptures de Constantin Brancusi (1876-1957), dont le centre Pompidou possède l’atelier, mais aussi d’Henri Laurens (1885-1954), d’Ossip Zadkine (1890-1967) ou Jacques Lipschitz (1891-1973).
Il serait dommage de ne pas regarder au passage les œuvres de la collection Franck : ♦Les Poissardes mélancoliques par James Ensor, un pastel de Picasso, deux Cézanne, un Kees van Dongen, un Toulouse-Lautrec, et surtout deux Van Gogh, dont le ♦Bébé Marcelle Roulin, 1888, un sujet dont VisiMuZ vous a longuement parlé dans le guide du Met à la fois dans la collection Annenberg et la collection Lehman.

Au retour dans la salle principale, et en continuant dans le sens horaire se trouvent un tableau de Kees van Dongen (♦La Grille de l’Élysée, 1912) et plusieurs œuvres de Suzanne Valadon (1865-1938) (voir l’hommage à Suzanne Valadon sur le blog VisiMuZ – ici ), bordés sur la cloison intérieure par des toiles et bronzes de Pablo Picasso entre 1905 et 1910, et entourés d’autres toiles et sculptures de Modigliani dont ♦Nu couché avec les bras derrière la tête, 1916 de la collection Bührle à Zürich, qui fait la couverture du catalogue et est accroché au centre du 2e côté de la grande salle.

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Amedeo Modigliani – ♦Tête de femme, 1912, Centre Pompidou.

La seconde partie de l’exposition présente alors d’abord un bel ensemble de Chaïm Soutine (1893-1943), deux toiles de Marc Chagall (1887-1985), des tableaux de Jules Pascin (1885-1930), un Henri Hayden (1882-1970) de 1912, la ♦Femme au châle gris, 1930 de George Kars (1882-1945), un artiste qui, ne supportant pas la tragédie de la Shoah, s’est suicidé en 1945, et enfin un très beau tableau de Moïse Kisling (1891-1953), la ♦Femme au châle polonais, ca 1928.

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Chaïm Soutine (1893-1943) – L’Idiot, 1920, musée Calvet, Avignon

Les toiles qui suivent présentent des peintres qui ne sont pas directement estampillés École de Paris mais sont d’autres témoins de l’époque : Juan Gris (1887-1927), Fernand Léger (1881-1955), Henri Matisse (1869-1954), André Derain (1880-1954). Avec les Picasso de l’autre mur, on a l’impression de se retrouver à une réunion chez Daniel-Henry Kahnweiler. Seuls Georges Braque et Maurice de Vlaminck manquent à l’appel.
L’exposition se termine en beauté avec plusieurs très beaux Modigliani dont ♦Nu debout (Elvira), 1918 et un portrait de ♦Jeanne Hébuterne au chapeau, 1919.

Gianadda_Elvira_9190Nu debout (Elvira), 1918, KunstMuseum de Berne

Gianadda_JeanneHebuterne_9201♦Jeanne Hébuterne au chapeau, 1919

La dernière compagne du peintre, enceinte de huit mois de leur troisième enfant, s’est donnée la mort le lendemain du décès d’Amedeo.

Pour les amateurs, au sous-sol du musée se trouve aussi une très belle collection d’automobiles anciennes. En complément, le parc, dit aussi le Jardin des Délices, habité par les sculptures, mérite une visite assez longue, au demeurant très agréable et reposante.

Informations pratiques :

21 juin – 24 novembre 2013 – tous les jours de 9 h à 19h – Billet payable en euros ou en francs suisses au choix, mais pas de carte de crédit.
Accès par le Léman, puis direction Grand-Saint-Bernard, ou par le col des Montets depuis Chamonix.
De Genève, 1h30 de route
Site de la fondation : http://www.gianadda.ch/wq_pages/fr/expositions/

Crédits photos : VisiMuZ