Paysage de neige avec des vaches, Montfoucault, Camille Pissarro

Paysage de neige avec des vaches, Montfoucault,  Camille Pissarro
Paysage de neige avec des vaches, Montfoucault, 1874, hst, 48 x 51 cm, Camille Pissarro, High Museum of Art, Atlanta.

Montfoucault était le nom d’une ferme de la Mayenne, propriété de la famille Piette.

Pour Pissarro, c’était un lieu de retraite et de réflexion. Il s’y était déjà réfugié en 1870 au début de la guerre. En 1874, il vient de subir les critiques lors de la première exposition des impressionnistes, et il est venu à Montfoucault étudier la vie des paysans.

La neige qui tire sur le bleu est un signe de son lien avec Monet (voir par exemple la Pie à Orsay, que nous avons présentée il y a quelque temps). Le tableau est cependant presque monochrome, avec ces deux vaches qui se fondent dans le décor, tout en regardant le spectateur. Le ciel et les murs sont de la même couleur, le tableau devient cette « surface plane recouverte de couleurs » dont parlera seize ans plus tard Maurice Denis. Les gris bleus et verts évoquent aussi certaines œuvres de Maria Elena Vieira da Silva.

17/02/2016

Photo wikimedia commons
Snowscape_with_Cows,_Montfoucault”,_oil_on_canvas_painting_by_Camille_Pissarro Usr Wmpearl

Le Moulin à Knokke, Camille Pissarro

Le Moulin à Knokke, Camille Pissarro

Le Moulin à Knokke, 1894, hst, 65 x 54,1 cm, Camille Pissarro, collection particulière

Camille Pissarro (1830-1903) a voyagé assez régulièrement, malgré son manque chronique d’argent. Mais ce père de famille nombreuse (il a eu 8 enfants) n’était jamais très loin quand ses enfants avaient besoin de lui. En 1894, il projette un voyage en Belgique à l’été 1894, où il doit d’une part retrouver Théo Van Rysselberghe afin de travailler avec lui et d’autre part aider son fils Félix (1874-1897) à s’installer à Bruxelles.

Mais l’actualité le rattrape. Suite au vote des lois sécuritaires dites « scélérates » par le gouvernement, le 24 juin 1894, un anarchiste italien du nom de Caserio assassine le président de la République Sadi Carnot à Lyon, rue de la Ré(publique) aux cris de « Vive l’Anarchie ». Le gouvernement vote alors des lois encore plus répressives, assigne à résidence les personnes fichées comme anarchistes, et expulse les étrangers.
Or Pissarro est de nationalité danoise (né à Saint-Thomas, il a gardé sa nationalité) et un sympathisant connu des anarchistes. Il est abonné au Père peinard et à La Révolte, deux journaux anarchistes. Son fils Ludovic-Rodolphe (1878-1952) publie également en cette même année 1894 ses premières gravures dans le Père Peinard.
Alors Camille craint de recevoir la visite de la maréchaussée. Il part plus vite que prévu, emmène Julie, sa femme, et Félix, leur fils. Ils rejoignent l’ami Théo et commencent par visiter Anvers, Bruges, Gand avant de s’établir pour plusieurs mois à Knokke-sur-mer, où la famille de Van Rysselberghe met à leur disposition une villa.

Pissarro écrit[*] le 30 juillet à Durand-Ruel, son marchand :

« Le hasard des choses m’a conduit à Knokke-sur-Mer, un petit trou tout neuf pour moi et gentil pour le peintre. J’ai commencé une série de choses qui vous plairont, je l’espère : des moulins, des toits rouges, des dunes […] D’un autre côté, je crains que comme étranger, ami de Mirbeau, Paul Adam, Fénéon, Luce, Bernard Lazare, je ne sois pour ce simple motif inquiété ou expulsé, il est donc bien possible que je sois amené à me fixer soit en Belgique soit en Angleterre. Si, par ce fait, je restais dans un de ces pays, pourrai-je compter sur votre concours pour m’aider à vivre, à travailler, comme vous l’avez fait jusqu’à ce jour ? »

Durand-Ruel, n’oubliant pas ses affaires, va lui répondre par retour « qu’il serait enchanté de continuer les bonnes relations avec [lui], seulement les affaires étant désastreuses, il faudrait baisser les prix ».

À Knokke, Pissarro va travailler assez dur pendant 3 mois. Il réalise diverses aquarelles et 14 toiles, dont certaines seront finies en atelier après leur retour à Éragny et jusqu’en 1902.

Nous avons commencé à essayer de localiser les toiles de Knokke. L’une est à Orsay (Église de Knokke), deux sont au Tel-Aviv Museum of Art (Le Vieux Moulin à Knokke, et La Maison rose, Knokke-sur-mer). Notre tableau du jour a été vendu à New York en 2007 (pour 1 million de dollars), un autre (Les Dunes de Knokke) a été vendu à Drouot en 2013, un troisième (Vue de Zevekote, Knokke-sur-Mer) est passé aussi en vente publique en 1992. Mentionnons encore une autre version des Dunes à Knokke (collection particulière), une toile intitulée Maisons à Knokke (collection particulière). Il en manque 6. Nous ne savons pas dans quelles collections elles se trouvent. Si vous avez des informations, n’hésitez pas à nous remonter celles-ci.

Notons toutefois que Pissarro n’a pas été tenté par la mer mais plus par l’intérieur des terres, la campagne et le village. D’un point de vue pictural, 1894 est aussi une année charnière pour le peintre. Il s’était rallié en 1886 au divisionnisme de Seurat. Après la mort de ce dernier en 1891, Pissarro va peu à peu reprendre sa liberté. Il s’est rendu compte que la méthode ne lui convenait pas totalement et réutilise une touche plus large.

[*]. Janine Bailly-Herzberg, Correspondance de Camille Pissarro, 3, 1891-1894, Paris, Éditions du Valhermeil, 1988.

14/12/2015

photo courtesy wikiart.org

Crique avec voilier, Camille Pissarro

Crique avec voilier, Camille Pissarro

Crique avec voilier, 1856, Camille Pissarro, collection particulière.

La vie de Camille Pissarro (1830-1903) n’est pas aussi linéaire qu’elle peut sembler de prime abord. On connaît le patriarche d’Éragny, le père de huit enfants qui vivait comme un petit bourgeois désargenté, qui a peint Paris, la campagne d’Île-de-France et de Picardie. Étant né de parents français à Saint Thomas aux Antilles, il y a grandi. Il était de nationalité danoise (Saint Thomas est devenue plus tard territoire des États-Unis en 1917) et l’est resté toute sa vie. Il était aussi un tenant de l’anarchie. Fils de marranes, baptisé, il s’est proclamé athée et libre-penseur.

Ce fils de bourgeois avait gardé de son enfance aux îles, un goût très fort de la liberté. Nul doute que s’il avait eu plus d’argent pour voyager (et aussi un peu moins d’enfants) il nous aurait enchanté avec des tableaux de contrées lointaines, comme son ami et élève Gauguin.

En témoigne le tableau du jour. Il s’agit d’une œuvre de jeunesse (il a vingt-six ans). Il vient d’arriver à Paris et peint de mémoire les paysages qu’il vient de quitter. Avant son arrivée sur le sol français, il a effectué un séjour de deux ans au Venezuela duquel il a rapporté quelques toiles, il a travaillé un an à son retour dans l’entreprise familiale avant de décider de se consacrer définitivement à l’art et de partir pour Paris. Il n’est plus jamais retourné sur le continent américain.

Ce tableau a été vendu à New York en 2012 pour 530 000 dollars.

05/11/2015

Dim 35 x 53 cm
Photo wikimedia commons Camille_Pissarro_-_Crique_avec_voilier_(1856) licence CC-PD-Mark Usr Botaurus

La Laveuse de vaisselle, Camille Pissarro

La Laveuse de vaisselle, Pissarro

• La Laveuse de vaisselle, 1882, hst, 81,9 x 64,8 cm, Camille Pissarro, Fizwilliam Museum, Cambridge (UK)

Dès la fin des années 1870, Camille Pissarro reprend intérêt à la figure humaine en tant que motif. Durant l’année 81, il a travaillé à Pontoise avec Gauguin, Cézanne et Guillaumin, mais à côté des paysages, il choisit de représenter de nombreuses jeunes femmes au travail : La Charcutière, la Petite Bonne de campagne, La Bergère, Paysanne gardant des vaches, Le Marché à la volaille, etc. Si l’influence de Millet est très présente dans le choix des sujets, celle de Degas est plus grande encore pour le traitement des attitudes et le choix des cadrages.

Comme Millet, Pissarro saisit ses modèles dans le travail agraire comme dans les occupations domestiques. Mais l’artiste, sympathisant anarchiste, avait aussi des visées politiques dans la représentation d’une classe sociale, celle des paysans, aux champs comme au marché. Pendant ce temps, Degas représentait les repasseuses et modistes parisiennes.

Notre tableau du jour montre aussi une évolution dans sa technique. Pissarro n’a pas encore rencontré Georges Seurat (ce sera en 1885), pourtant il se rapproche déjà du divisionnisme. La juxtaposition de touches de couleurs pures s’accentue. Les ombres du feuillage, au premier-plan, contrastent fortement avec les tons clairs du chemin.

La toile a été réalisée au 85, quai du Pothuis, à Pontoise, l’adresse de la famille Pissarro avant son déménagement à la fin de 1882 à Osny. On sait aussi qu’elle a été achetée par Paul Durand-Ruel le 28 juin 1882, pour 2500 francs, un prix élevé à cette époque pour l’artiste.

28/09/2015

Photo courtesy The Athenaeum, rocsdad