Le Baiser, 1907-08, Gustav Klimt

Gustav Klimt, Le Baiser

Le Baiser, 1907-08, Gustav Klimt, galerie autrichienne, palais du Belvédère, Vienne.

Combien de tableaux sont aussi mythiques que celui-ci ? Très peu. Il suffit de se promener à Vienne pour voir les nombreux objets qui hantent les échoppes de souvenirs et font la fortune du musée du Belvédère (qui en conséquence interdit la prise de photos, pour des raisons mercantiles). Mais revenons au tableau. C’est l’œuvre la plus mûre et la plus aboutie de la période dorée de l’artiste. Elle est présentée dans une salle au mur tendu de noir qui la met extraordinairement en valeur.

Les motifs géométriques (carrés, triangles, arabesques) ou floraux se retrouvent dans de nombreuses œuvres antérieures (en particulier les frises de Beethoven ou celles du palais Stoclet à Bruxelles). Fritz Novotny écrivait en 1967 : « l’or, comme couleur d’un autre monde, plus précisément comme non-couleur, remplit le tableau de contrastes raffinés entre or mat et or brillant ».

Le tableau est devenu une icône, devant laquelle défilent entre autres des cohortes de touristes asiatiques, cette étape faisant partie de leur tour d’Europe.

En 2014, les participants de Museomix ont créé au MAH de Genève une expérience d’immersion sensorielle dans la couleur des tableaux. Le prototype était intéressant mais incomparable avec l’immersion que certains d’entre nous ont pu vivre pendant l’exposition Klimt-Schiele-Hundertwasser aux « Carrières de lumière » des Baux-de-Provence.

Klimt sur 15 mètres de haut, même en vidéo-projection, cela avait de la g… .

05/06/2016

Photo wikimedia commons Klimt_-_Der_Kuss.jpeg Usr Aavindraa

Coin de plage à Ramsgate, Berthe Morisot

Coin de plage à Ramsgate, 1875, Berthe Morisot

Coin de plage à Ramsgate, 1875, hst, 38 x 46 cm, Berthe Morisot, collection particulière, restée dans la famille de l’artiste.

Quoique son attirance pour Berthe fût très importante, Édouard Manet était déjà marié.

Son jeune frère Eugène eut l’heureuse initiative de demander la main de Mlle Morisot pendant l’été 1874, alors que les familles Manet et Morisot se trouvaient en villégiature à Fécamp. Le mariage a lieu dans l’intimité le 22 décembre et les jeunes mariés partirent en voyage de noces en Angleterre à l’été 1875. Berthe peignit beaucoup à Wight ou comme ici à Ramsgate, à l’embouchure de la Tamise.

Mais était-ce à Ramsgate, ou à Cowes (île de Wight) ? Les experts en débattent toujours.

Le biographe de Berthe, Armand Fourreau, parle de son « talent de peintre des élégances mondaines ». et ajoute : « Coin de plage à Ramsgate … une simple étude, est une page vibrante de lumière mais d’une lumière adoucie et comme voilée légèrement par une brume matinale de chaleur : sur une eau mollement clapotante se balancent, à l’ancre, vapeurs et voiliers dont les fins gréements prestement tracés du bout du pinceau rayent la bande horizontale d’un ciel opalin étalant sa délicate teinte gris de perle au-dessus de la douce émeraude de la mer et du sable gris tendre de la plage où passent d’amusants petits personnages témoignant de l’écriture la plus vive et la plus spirituelle du pinceau, comme cette élégante lady portant robe à tournure avec corsage noir bordé de galons blancs et arborant un chignon d’or surmonté d’un petit chapeau de paille claire, ou cette autre jeune femme, vêtue d’un costume rose et coiffée d’un canotier blanc, qui s’avance un peu plus loin. » À retrouver chez VisiMuZ, bien sûr !

15 ans après Boudin à Deauville et Trouville, Berthe Morisot peint la femme élégante, en plein air, en se souciant de la mode.

Nous ne sommes plus aujourd’hui très sensibles aux aspects de la mode vestimentaire du XIXe siècle, parce que nous ne l’avons pas connue, mais les amateurs de l’époque étaient très attentifs au respect des usages et des modes. Madame Morisot, par son milieu et son extrême sensibilité, était à même de leur offrir la crême de la crème (« The cream of society »).

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

Maternité, 1890, Mary Cassatt

Mary Cassatt, Maternité

Maternité, 1890, pastel, 68,6 x 44,4 cm, Mary Cassatt, collection privée.

Un petit clin d’œil pour rendre hommage, avec 24h de retard, aux mamans. Mary Cassatt (1844-1926) a été le seul peintre américain membre des impressionnistes. Elle a travaillé avec Degas, son talent a enchanté le maître et le groupe d’artistes impressionnistes l’invite à exposer avec eux dès la quatrième exposition de 1879. Elle collectionne les estampes japonaises, comme Monet.

Après la mort de sa sœur Lydia en 1882, Mary se tourne de plus en plus vers des portraits de mère et enfant, qui sont devenus son thème de prédilection. Le tableau du jour se retrouve sous la double influence de Degas et de l’art japonais. Degas pour un dessin très abouti et une technique, le pastel, qu’il appréciait énormément, le japonisme pour cette absence de profondeur et de perspective dans le décor du second plan. Cela fait huit ans maintenant que l’artiste s’est tourné vers des portraits de mère et d’enfant mais, en cette année 1890, elle restreint encore ses sujets vers ce qu’on pourrait appeler les Madones laïques ou encore les Madones modernes.

La mère n’est plus Marie, l’enfant n’est plus Jésus, les symboles de la Passion ont été ignorés, mais pour le reste les attitudes, les postures sont des échos des madones italiennes du cinquecento. Mary a alors 46 ans, elle a refusé une demande en mariage, et son amie peintre Berthe Morisot a une fille de 12 ans (Julie Manet).

Le choix de ce thème obsessionnel est-il seulement celui que demandent ses clients ou est-il lié au fait qu’elle n’a pas d’enfant et qu’elle sait qu’elle n’en aura pas ? Dans tous ses tableaux de la période 1890-95, les figures de la mère et l’enfant, sont fusionnelles, et on ne saurait séparer l’un de l’autre.

30/05/2016

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Nocturne : bleu et argent – Chelsea, James A. M. Whistler

Nocturne, bleu et argent, Chelsea, James Abbot McNeil Whistler

Nocturne : bleu et argent – Chelsea, 1871, huile sur panneau, 50,2 x 60,8 cm, James Abbott McNeil Whistler, Tate Britain, Londres

Nous vous avions présenté en novembre la Symphonie en blanc, N° 1, du même artiste, avec quelques éléments de biographie [ici].

Bien qu’américain, Whistler vécut à Londres presque toute sa vie et il y suscita la polémique. Le métier impliquait pour les bourgeois de l’époque victorienne qu’on passe de nombreuses heures à fignoler le tableau (ainsi que nous le verrons bientôt avec les préraphaélites) et ce monsieur qui se prétendait artiste ignorait ce principe pour ne se préoccuper que des effets liés à la couleur.

Le célèbre écrivain et critique John Ruskin écrira un peu plus tard (en 1877) que Whistler jetait « un pot de peinture à la face du public », un billet qui sera à l’origine d’un procès intenté par le peintre.

Whistler baptisa ses toiles « Nocturne » par référence à la forme musicale correspondante (célébrée entre autres par Frédéric Chopin), expression du romantisme qui incite à la rêverie et la mélancolie. Notre tableau du jour a été peint en 1871, c’est à dire très peu après le séjour de Pissarro et Monet à Londres. Le peintre montre ici son talent dans l’expression de l’évocation d’une figure, au moyen de quelques traits, et un penchant évident pour l’abstraction. Londres au loin est évoqué avec un effet de miroir appuyé. L’eau est l’élément central, qui occupe les trois-quarts de l’œuvre. Les tons froids utilisés ici font que nos sentiments inclinent dans le sens désiré par le peintre. Ces bleus sont aussi ceux des porcelaines chinoises que Whistler collectionnait avec passion.

En bas au centre, se trouve la signature que l’artiste a adopté à partir de 1869 : un cartouche avec un dessin de papillon. Une autre Nocturne en bleu et argent, également très belle, se trouve dans la collection Winthrop, au Fogg Art Museum de Harvard.

27/05/2016

Photo wikimedia commons James_Abbott_McNeill_Whistler_-_Nocturne-_Blue_and_Silver_-_Chelsea_-_Google_Art_Project Licence CC-PD-Mark Usr DcoetzeeBot

La Montagne Sainte Victoire vue depuis la carrière de Bibemus, Paul Cézanne

La Montagne Sainte Victoire vue depuis la carrière de Bibemus, Paul Cézanne

La Montagne Sainte Victoire vue depuis la carrière de Bibemus, 1897, huile sur toile, 65,1 x 81,3 cm, Paul Cézanne, Baltimore Museum of Art (Maryland)

La Montagne Sainte-Victoire n’est plus seulement le titre d’un tableau, c’est le titre d’une série, qui, pour parodier les séries TV, comporte un certain nombre de Saisons. Les tonalités changent, les points de vue changent, la technique change, seul le motif est identique.

L’artiste qui ne se sentait pas à l’aise ailleurs qu’à Aix-en-Provence a peint le motif près de 80 fois. Tous les grands musées du monde se doivent d’en avoir un exemplaire et on peut dire que c’est le cas. Orsay en a un vrai (donation Pellerin) et un faux (autrefois attribué à Cézanne), Le Metropolitan Museum of Art en a deux, de même que l’Ermitage.

Les carrières de Bibemus sont un site à l’est d’Aix-en-Provence où ont été extraites depuis l’époque romaine et jusqu’en 1885 les pierres qui ont servi à construire la ville. Quand Cézanne y loua un cabanon pour y travailler, entreposer son matériel et y dormir, les carrières n’étaient déjà plus en exploitation et il put y trouver la tranquillité qu’il souhaitait. À l’époque gallo-romaine Aix se nommait Aquae Sextiae, c’est-à-dire les eaux (les nombreuses sources de la ville) de Caïus Sextius, le consul romain fondateur de la ville en 122 av J.C. Le nom de Bibemus tourne alors au calembour (première personne du pluriel du futur du verbe « boire » : “Nous boirons”).

Comme d’habitude chez Cézanne, la perspective traditionnelle est ignorée. Les blocs rocheux du premier plan semblent proches de la montagne alors qu’ils en sont séparés par une vallée. La teinte orangée de la roche s’oppose au vert des arbres et aux bleus et gris pour donner plus de luminosité.

Pour l’anecdote, un roman policier intitulé La Carrière de Cézanne (“Cezanne’s Quarry”, Barbara Corrado Pope, 2008) met en scène un meurtre dans la carrière. Cézanne, le timide exalté, est-il le meurtrier ?

La vie de Cézanne à Aix et ses tableaux sont évidemment à retrouver dans sa biographie chez VisiMuZ.

25/05/2016

Photo wikimedia commons Mont_Sainte-Victoire_Seen_from_the_Bibemus _Quarry_1897_Paul_Cezzane Usr Krscal

Jeune femme aux seins nus, Pierre-Auguste Renoir

Jeune femme aux seins nus, Pierre-Auguste Renoir

Jeune femme aux seins nus, ca 1882 pastel sur papier, 64 x 50,5 cm, Pierre-Auguste Renoir, Ordrupgaard.

Nous vous faisons profiter d’une découverte récente. Ce pastel sur papier de Renoir fait partie de la collection d’Ordrupgaard, un délicieux musée à quelques kilomètres de Copenhague.

Pour ceux qui ont suivi la vie de Renoir (racontée par Ambroise Vollard, parue chez VisiMuZ Éditions, à retrouver ici), ce pastel se situe au retour de son premier voyage en Italie. C’est une époque charnière, Renoir a découvert Raphaël et va changer sa manière. Bientôt il commencera sa période dite « ingresque » ou « aigre ».

En 1881, il a visité Venise, Florence, Rome, Naples et Capri (où il a peint Aline Charigot, avec qui il est parti en voyage et qui deviendra sa femme, dont nous avons parlé ici). À Rome, Renoir a été particulièrement touché par les fresques de la villa farnésine (à retrouver dans la monographie de Raphaël, qui vient de paraître chez VisiMuZ) et par la Fornarina (palais Barberini).

Quand il rentre à Paris, il adopte progressivement une ligne plus définie. On parlerait aujourd’hui de « ligne claire ». Il s’agit encore de portraits très individualisés et non encore de « types » tels qu’on les retrouvera après 1895.

Ici le modèle est sans doute Marie-Clémentine Valadon, ou Maria, son nom de modèle. Marie-Clémentine deviendra plus tard Suzanne. Maria sera un peu plus tard le modèle de Danse à Bougival (1882, Museum of Fine Arts, Boston) et de Danse à la ville (1883, musée d’Orsay).

Pendant ces années 1882-1884, Maria et Aline se sont livrées à une lutte féroce pour garder le cœur du peintre. On sait qu’Aline a gagné. Elle a donné un fils (Pierre) à Auguste en 1885 puis l’a épousé en 1890. Marie-Clémentine a gardé à partir de là une rancune sévère à l’égard de Renoir.

21/05/2016

Photo VisiMuZ

La Jeune femme à la rose (Marguerite), Amedeo Modigliani

La Jeune Fille à la rose (Marguerite), Amedeo Modigliani

La Jeune femme à la rose (Marguerite), 1916, huile sur toile, 65,1 x 46 cm, Amedeo Modigliani, vente Christie’s New York, 12 mai 2016.

1916, une année charnière pour Modigliani. C’est l’année de la rupture avec Béatrice. Mais aussi, après quinze mois de guerre, le marché de l’art reprend de la vigueur. Des expositions s’organisent. Paul Guillaume a envoyé, dès la fin de 1915, 24 œuvres de Modigliani à New York. En mars 1916, chez Germaine Bogard, la sœur du couturier Paul Poiret, sont exposés des dessins de Modigliani, aux côtés des œuvres de Picasso, Léger, Derain ou Matisse. En juin 1916, Modigliani est exposé à Zürich, aux côtés de Picasso et Jean Arp. En juillet, c’est à Paris le salon d’Antin, organisé par André Salmon. Pour toutes ces expositions, il fallait réaliser des tableaux autres que ceux de commande. C’est là qu’intervenaient les modèles professionnels.

Modigliani a réalisé trois portraits de cette jeune femme, et écrit son prénom sur l’un des portraits. Dans le passé, le nom de la sœur de Modigliani (qui s’appelait aussi Margherita) avait été évoqué pour l’identité du modèle. Mais cela ne tenait pas vraiment la route, puisque le dernier voyage de Modigliani à Livourne datait de 1913. De plus, Jeanne Modigliani, élevée ensuite par Margherita après la mort de ses parents, nous a appris que les liens entre le frère et la sœur étaient assez lâches, au moins sur le plan artistique. Enfin, la période à laquelle ce tableau a été réalisé fait pencher également pour un modèle professionnel.

Le 113, boulevard du Montparnasse se situe au croisement avec le boulevard Raspail. Jusqu’en 1914, se tenait là, tous les lundis matin, le marché aux modèles. Les artistes venaient choisir, prendre rendez-vous pour les séances de pose, organiser leur planning. Pour les mêmes raisons historiques qui ont fait que les marchands de vin et charbon étaient auvergnats, les commissionnaires de Drouot savoyards, les modèles féminins étaient en majorité italiennes, ce qui n’était pas pour déplaire à Modigliani. Le « marché » avait été suspendu du fait de la guerre, mais la population de modèles était restée dans le quartier qui leur assurait leur subsistance.

Le style de Modigliani à cette période est en train d’évoluer vers ce qui a été ensuite sa « marque de fabrique ». Un visage stylisé et un cou allongé, des yeux en amande, un nez inspiré par le cubisme. La rose introduit un contraste de couleur dans ce portrait aux tonalités sombres, très évocateur des sculptures de Modigliani de 1912-1913.

Le tableau a aussi fait la une de l’actualité cette semaine. Il a été vendu 12,765 millions de dollars le 12 mai chez Christie’s à New York.

Un portrait à retrouver avec les deux autres de Margherita dans le tome 1 de la biographie de Modigliani, chez VisiMuZ. Nous travaillons sur le tome 2 qui sera là pour les vacances.

18/05/2016

Photo Courtesy The Athenaeum, rocsdad

La Madone Alba, ca 1510, Raphaël

La Madone Alba, Raphaël

La Madone Alba, ca 1510, huile sur panneau transférée sur toile, D : 94,5 cm, Raphaël, National Gallery of Art, Washington (DC), catalogue De Vecchi n° 90.

La Vierge est présentée assise, tenant un livre de la main gauche. Elle tient Jésus sur ses genoux. Le livre, certainement les Évangiles, est une préfiguration de la Passion du Christ. Saint Jean-Baptiste tient sa croix de roseau et Jésus la saisit. Les regards de Marie et des enfants convergent vers cette croix.

La composition pyramidale des trois personnages a été empruntée par Raphaël dès 1507 à Léonard de Vinci. Les violettes symbolisent l’humilité de la Vierge, les ancolies sont symboles de la Passion. On retrouve les mêmes fleurs dans La Belle Jardinière (musée du Louvre).

Les couleurs du premier plan, l’arbre mort (symbole du péché) sur lequel s’adosse la Vierge, annoncent aussi les malheurs à venir pour la Mère de Jésus. A contrario, le fond aux tons pastels annoncerait un avenir radieux, après la Rédemption (rachat des pêchés du monde).
La forme circulaire correspond à ce qu’on appelle un tondo (le nom provient de rotondo).

Comme beaucoup de tableaux de Raphaël, cette Vierge à l’Enfant tient son nom de l’un de ses anciens propriétaires, toujours prestigieux. Le tableau demeura d’abord jusqu’au XVIIe siècle dans l’église des Olivétains de Nocera. En 1686, elle a été vendue à Gaspard, comte-duc de Olivares, marquis del Carpio, vice-roi de Naples et néanmoins Madrilène. Sa fille Catalina en hérita, qui devint ensuite duchesse d’Albe. Après plusieurs générations, le tableau passa ensuite à l’ambassadeur du Danemark en Espagne, puis au tsar Nicolas 1er de Russie en 1836 pour la galerie impériale de l’Ermitage.

Mais son histoire incroyable continue quand, en 1931, le gouvernement des Soviets le met en vente pour se procurer des devises. Andrew Mellon, alors ministre des finances des États-Unis, l’acheta, à titre personnel, aux Soviétiques pour la somme incroyable à l’époque de 1,18 million de dollars. Au-delà du tableau lui-même, il achetait un morceau de l’histoire du Monde. Andrew Mellon le légua ensuite en 1937 à la National Gallery de Washington (DC).

Un tout petit aperçu des 140 tableaux qu’on peut retrouver dans la nouvelle biographie parue aujourd’hui chez VisiMuZ, celle de Raphaël.

14/05/2016

Photo Courtesy The National Gallery of Art, Washington (DC)

Jeune Femme à la cruche, Édouard Manet

Suzanne Manet à la cruche

Jeune Femme à la cruche, ca 1859, Édouard Manet, 56 x 47,2 cm, Ordrupgaard, catalogue Orienti n° 21.

Cette jolie jeune femme n’est autre que Suzanne Leenhoff, qui deviendra la femme d’Édouard Manet en 1863. Né en 1830, elle était hollandaise, vivait à Paris, gagnait sa vie comme professeur de piano, et avait été employée dès 1849 par les parents Manet pour donner des leçons de piano à leurs trois fils.

Elle avait donné naissance le 29 janvier 1852, à un fils, Léon Édouard. Manet en devint le parrain, lors de son baptême selon le rite protestant (Édouard Manet était catholique) en 1855. Durant les vingt années qui suivirent, Léon fut toujours présenté comme le jeune frère de Suzanne.

Des doutes subsistent toujours sur le père de Léon. S’agissait-il d’Auguste Manet, le père d’Édouard, dont on sait qu’il connut bibliquement la jeune femme, ou d’Édouard lui-même. Et Suzanne elle-même le savait-elle ?

L’époque de la réalisation de notre tableau est contemporaine de la décision de Suzanne et d’Édouard d’habiter ensemble. Ils se marièrent ensuite en 1863, un an après la mort d’Auguste Manet, figure tutélaire qui jetait une ombre sur le bonheur du couple.

Suzanne a les yeux baissés, ce qui convient bien à sa nature timide et réservée, certains disaient placide. À l’occasion du mariage d’Édouard et Suzanne en Hollande, Baudelaire écrira à son ami Carjat, le 8 octobre 1863 : « Manet vient de m’annoncer la nouvelle la plus inattendue. Il part ce soir pour la Hollande, d’où il ramènera sa femme. Il a cependant quelques excuses ; car il paraît que sa femme est belle, très bonne et très grande musicienne. Tant de trésors dans une seule personne, n’est-ce pas monstrueux ? »

Les historiens pensent qu’il s’agit ici d’un portrait de fiançailles, une tradition qui remonte à la Renaissance. Manet est encore dans une phase d’expérimentation. Trois ans avant, il a copié la Vénus d’Urbin de Titien à Florence. Il est encore dans une phase italianisante avant sa période hispanisante des années 1860.

Ce portrait reprend certains des principes du portrait de femme (épouse ou courtisane) que Titien, Lorenzo Lotto et Palma le vieux ont créé au début du XVIe siècle à Venise. Dans le portrait de Manet, le blond vénitien de la chevelure répond à la cruche, à la coupe et au paysage.

Sibylle, Palma le Vieux

Sibylle, ca 1522-24, huile sur panneau, 74,3 x 55,1 cm, Palma le Vieux, collection royale, Buckingham Palace, Londres

La fenêtre ouverte sur le paysage avec des montagnes bleues est un autre emprunt à Titien (ainsi qu’aux primitifs flamands mais ceux-ci privilégiaient plutôt un paysage plus urbain). La pose de la jeune femme est beaucoup plus dynamique dans le tableau de Manet.

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L’Impératrice Isabelle du Portugal, 1548, huile sur toile, 117 x 98 cm, Titien, musée du Prado, Madrid

Notre tableau du jour est inachevé, un grand classique pour Manet, qui sera ainsi critiqué de manière posthume en 1886 par Zola dans son roman L’Œuvre. Si le paysage, la coupe et la cruche sont juste esquissés, la tête et le bras gauche de la jeune femme (entre autres…) sont remarquables. Tel quel, il s’agit d’un délicieux portrait de Suzanne, dans toute la splendeur de ses presque 30 ans. Suzanne a gardé ce tableau jusqu’en 1893, dix ans après la mort de son mari.

L’histoire de Manet et de la révolution qu’il introduisit en peinture sont à retrouver dans sa biographie par Théodore Duret, chez VisiMuZ.

12/05/2016

Photo 1 : Courtesy The Athenaeum, Usr : rocsdad
Photo 2 : Courtesy The Athenaeum, Usr : kohn1fox
Photo 3 : wikimedia commons File:Isabella_of_Portugal_by_Titian.jpg Usr : Escarlati.

Nageuse se reposant, Théo van Rysselberghe

Nageuse se reposant, Théo van Rysselberghe

Nageuse se reposant, 1922, hst, 92 x 111 cm, Théo van Rysselberghe, collection particulière.

En 1905, Théo van Rysselberghe (1862-1926) s’est fait construire par son frère architecte la villa « Le Pin » au Lavandou. Il a ainsi rejoint ses amis néo-impressionnistes dans le Var. Depuis 1892, Cross habitait aussi au Lavandou et Signac à quelques kilomètres à Saint-Tropez.

En 1922, à 60 ans, le thème de prédilection de Théo reste les Baigneuses en groupe ou, comme ici, peintes isolément. Alors que dans ses portraits de société, il insiste sur les détails du décor, il le simplifie dans ses nus. Le dessin est très classique, caractéristique de cette époque, après la première guerre mondiale, qui a vu un retour au classicisme chez tous les peintres (même chez Picasso ou Léger).

La lumière et la couleur sont très puissantes, jouant sur le contraste simultané des couleurs bleues et orange en particulier. La lumière est celle qui précède le crépuscule, les ombres sont longues et le massif des Maures, les rochers du premier plan, le ciel et même la mer se teintent de rose. On pourrait presque sous-titrer « un classique chez les Fauves ».

N.B. : la municipalité du Lavandou a mis en place depuis la maison de Théo un « chemin des peintres », pas très évident à trouver, mais qui permet de juxtaposer le paysage réel et des reproductions de tableaux de Van Rysselberghe et de Cross. Un joli et instructif but de promenade.

La villa de Théo au Lavandou

La villa de Théo van Rysselberghe au Lavandou en 2015.

10/05/2016

Photo 1 : Courtesy The Athenaeum, Usr : rocsdad
Photo 2 : VisiMuZ

Marée basse à Varengeville, Claude Monet

Marée basse à Varengeville, Claude Monet

Marée basse à Varengeville, 1882, Claude Monet, hst, 60 x 81 cm, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid.

Après les années noires de Vétheuil (mort de sa femme Camille, vie avec Alice et les huit enfants, manque d’argent chronique), Claude Monet et sa famille recomposée ont déménagé à Poissy en décembre 1881. À peine installé, Claude Monet part seul pour deux mois, en plein hiver, à Pourville, près de Dieppe, et va en rapporter une quarantaine de paysages, ainsi que quelques portraits et natures mortes effectués les jours de pluie.

Il y retournera le 15 juin avec compagne et enfants et louera la villa Juliette pour trois mois, mais l’effet villégiature l’empêche alors de travailler au calme. Malgré les efforts qu’ils coûtent à Monet (« ce que j’ai commencé de toiles est insensé, mais hélas sans pouvoir arriver à rien terminer » écrit-il), les paysages de 1882 sont parmi ses plus belles marines . Durand-Ruel en achètera cinquante durant l’année.

Ici la composition est très solide, très géométrique, un triangle sur la droite partagé entre falaise et estran, le ciel et le sable qui se partagent presque symétriquement le reste de la toile. Mais c’est naturellement la lumière et les nuances de couleurs qui surprennent, puis attirent et finalement envoûtent.

06/05/2016

Photo The Athenaeum licence PD-Art Usr kohn1fox

Le Bosquet de bouleaux, Arkhip Kuindzhi

Le Bosquet de bouleaux, Archip Kuindzhi

Le Bosquet de bouleaux (“The Birch Grove”), 1879, huile sur toile, 97 x 181 cm, Archip Kuindzhi, Tretyakov Gallery, Moscou.

Connaissez-vous Archip Kuindzhi (Архи́п Куи́нджи) (1842-1910), peintre russe (ou ukrainien selon les sensibilités) ? Il est pourtant contemporain de Renoir ou Monet, mais fait partie des peintres que le succès des impressionnistes a laissé dans l’ombre. Difficile d’exister quand on ne travaillait pas à Paris dans ces années-là. Et pourtant ! L’éclairage très particulier qu’il met dans ses toiles, en particulier de nuit, fait éclater son talent dans chacune d’elles. Ce bosquet de bouleaux est une des vedettes de la galerie Tretyakov, et un thème particulièrement prisé par l’artiste, parce qu’il évoque le paysage de Russie.

Quand l’artiste a été exposé dans la collection permanente du Met à New York, près de Vincent van Gogh, de Paul Cézanne, d’Anders Zorn, son Coucher de soleil sur le Dniepr a tout de suite attiré les visiteurs comme un aimant.

Coucher de soleil sur le Dniepr, Archip Kuindzhi

Coucher de soleil sur le Dniepr, 1905-08, huile sur toile, 134,6 x 188 cm, Archip Kuindzhi, Metropolitan Museum of Art, New York

Ses œuvres sont rares sur le marché. Un autre bosquet de bouleaux de 1881 s’est vendu en 2008 pour 3 millions de dollars à New York. À Saint-Pétersbourg, il faut aller au musée Russe. On peut penser que dans quelques années, les œuvres de Kuindzhi traverseront la rue pour être exposées au musée d’en face, l’Ermitage, ce qui est déjà le cas pour Kasimir Malevitch. À Moscou, ses œuvres, comme celle-ci, sont à la galerie Tretyakov.

Une ébauche de notre tableau du jour se trouve au musée de Nijni-Novgorod, une version plus tardive (1901) se trouve aussi au musée de Minsk (Belarus).

03/05/2016

Photo 1 wikimedia commons : Archip_Iwanowitsch_Kuindshi_005.jpg Usr : Dmitry Rozhkov
Photo 2 : VisiMuZ